Sur le fil

Les vœux auxquels vous avez échappé cette semaine…

Ce blogue n’est pas un blogue professionnel mais un blogue personnel que j’essaie, avec plus ou moins de régularité, d’alimenter avec les réflexions que m’inspirent mes activités, notamment professionnelles. Depuis quelques semaines je pensais aborder des sujets aussi importants et divers que la lutte contre la pauvreté 1, la résistance aux antibiotiques 2 l’information économique et sociale 3, sur le réchauffement de l’atmosphère 4 sur l’Europe sociale 5, ou encore sur l’évolution du droit de la famille, 6, ou même sur l’évolution de la famille elle-même 7 ou enfin sur les quartiers en difficultés. 8 Le temps m’a manqué pour mettre au propre mes notes sur ces sujets. En attendant, l’actualité, dramatique, a relégué au second plan ces préoccupations extrêmement importantes sur lesquelles je reviendrai. De même que j’ai dû adapter les vœux que je prévoyais pour l’organisme que j’ai le plaisir de diriger depuis un an et demi, il m’était difficile de trouver le temps d’écrire sur ce blogue les questions que nous posent ces évènements dramatiques. Aussi, une fois n’est pas coutume, j’ai choisi de publier les vœux que j’ai adressés le 9 janvier à l’ensemble des équipes de direction de la branche Famille, en déclinant, à l’image des couvertures de Charlie hebdo…

Les vœux auxquels vous avez échappé cette semaine…

Je suis heureux de vous accueillir dans mon bureau pour cette première convention interactive 9. Celle-ci devait être pour moi l’occasion de présenter mes vœux à l’ensemble des équipes de direction de la Branche ; à l’ensemble des équipes de direction des 103 caisses d’allocations familiales (puisque depuis le 1er janvier nous comptons une caisse de plus avec la caisse commune de sécurité sociale de Mayotte) ainsi qu’à celles de la caisse nationale et de la Dsi de la Branche. Je pensais vous présenter mes vœux donc, mais j’ai été amené à les modifier compte tenu des événements dramatiques qu’a connu notre pays avant-hier. En clin d’œil à ceux qui ont été lâchement assassinés, je vais donc vous présenter, à l’image des « couvertures auxquelles vous avez échappé » de Charlie Hebdo, et comme je l’ai fait hier pour les collaborateurs de la caisse nationale, les vœux auxquels vous avez échappé aujourd’hui. Le premier vœu auquel vous avez échappé, c’est celui de répondre aux six défis de 2015 pour la Branche. Je les rappelle néanmoins : –        Premier défi : réussir la mise en œuvre des mesures désormais inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale. « Il y a un temps pour tout sous le soleil ». Un temps pour débattre et un temps pour mettre en oeuvre. Le législateur a tranché. Notre première mission de service public est de verser à chacun ce à quoi il a le droit et de permettre à tous d’accéder à ses droits 10. En 2015, nous aurons non seulement à appliquer la modulation, mais aussi à préparer une importante réforme pour 2016, celle du Rsa et de sa fusion avec la prime pour l’emploi 11. –        Deuxième défi : atteindre nos objectifs en matière d’action sociale et améliorer l’exécution du Fnas. L’action sociale est une caractéristique de la Branche. Elle participe à des politiques publiques importantes en matière d’accueil de la petite enfance, de développement des activités pour les enfants et les jeunes, de parentalité ou de vacances… Elle contribue à nos objectifs notamment de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle mais aussi, et on ne le dit pas assez, de lutte contre les inégalités 12. –        Troisième défi : relancer le mouvement de simplification. « Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué » disaient les Shadocks dans les années soixante 13. Nous devons au contraire lutter contre cette entropie administrative qui est un des éléments de non recours aux droits. A la rentrée scolaire 2014 nous avons eu de beaux succès avec l’allocation de rentrée scolaire (Ars) 14 et l’aide au logement étudiant (Ale) 15 il faudra aller plus loin en 2015. –        Quatrième défi : réussir le pari de la gestion 16. Gérer, équilibrer les charges et les moyens en atteignant l’efficacité maximum, est toujours un pari, car l’avenir n’est jamais totalement écrit avant, et une Cog (convention d’objectifs et de gestion) n’est pas un gosplan.  En 2015, nous aurons à poursuivre l’amélioration de notre efficacité collective tout en négociant avec les pouvoirs publics les moyens d’absorber l’augmentation de la charge qui va résulter des réformes en cours. Nous aurons à le faire tous ensemble car chacun est responsable des résultats de tous. –        Cinquième défi : améliorer la qualité de nos comptes. Cnaf ou Caf nous sommes d’abord comme nos noms l’indiquent « des caisses » et nous devons rendre compte à la collectivité de l’utilisation de l’argent qui nous est confié. La qualité de nos comptes est d’abord une exigence démocratique. En 2014, nos comptes ont été certifiés de justesse 17. Il faut qu’ils le soient avec moins de réserves en 2015. –        Sixième défi : réussir le plan de transformation de la Dsi. Pour une organisation comme la nôtre, le système d’information est comme un système nerveux : il nous permet à la fois de penser, d’agir et de communiquer. Nous avons là aussi de beaux succès à notre actif. En 2015, nous devons préparer le passage en filière unique. Nous devrons également nous améliorer sur trois points : la rapidité des développements avec des méthodes plus agiles, la limitation des pannes et des bugs et leur gestion plus efficace quand il y en a, et la sécurité de nos systèmes. C’est à ces objectifs que doit répondre la réorganisation de la Dsi de la Branche 18 qui deviendra en 2015 une direction générale déléguée de la caisse nationale. Mon deuxième vœu, c’est celui du septième défi. Celui de la gouvernance. Nous devons faire fonctionner un système original de gouvernance qui repose sur deux pieds : des directions, autrement dit vous, et des conseils d’administration. Un système auquel nous sommes tous attachés car il permet de combiner la démocratie sociale et la gestion du service public. Mais dans un contexte où la marche s’accélère, l’exercice peut se révéler plus difficile car la marche est un équilibre subtil. En 2014, l’adoption de tous les Cpog par les conseils, leur signature par chaque président et chaque directeur, a montré que cet équilibre était réalisable. Je n’ai pas de doute que nous y arrivions en 2015. Ce deuxième vœu est l’occasion pour moi de vous transmettre, ainsi qu’à vos équipes, à la demande de son président, Jean-Louis Deroussen, les vœux du conseil d’administration de la caisse nationale qui s’est réuni ce mardi ; et aussi de vous demander de vous faire l’écho auprès de vos conseils d’administration et de leurs présidentes et présidents, des vœux de l’équipe de direction de la caisse nationale. Mon troisième vœu va à la sécurité sociale dont nous allons célébrer cette année le soixante dixième anniversaire : la Sécurité sociale est née le 4 octobre 1945 par une ordonnance du général de Gaulle qui appliquait le programme du conseil national de la résistance 19. Rappeler cela au moment des événements dramatiques que nous venons de connaître, c’est rappeler que la Sécurité sociale est un élément essentiel du pacte républicain tel qu’il a été renouvelé à la Libération et qui, avec l’Europe qui s’est constituée peu après, et avec la décolonisation, nous a permis de vivre en paix, à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. Cet anniversaire doit nous permettre de donner à voir l’importance de la Sécurité sociale pour la cohésion sociale et de renouveler, ce faisant, ce pacte républicain. A soixante-dix ans, la Sécurité sociale n’est pas prête de prendre sa retraite. Elle a su s’adapter et a permis au pays de s’adapter. Elle devra continuer à le faire encore longtemps. Mon quatrième vœu, justement, va à l’avenir, à l’horizon 2025 que nous allons évoquer dans un instant avec Jean Pisani-Ferry 20. Nous vivons des temps difficiles. D’autant plus difficiles qu’ils sont souvent pour nous illisibles 21. Engager une démarche prospective, c’est d’abord nous donner des outils de compréhension de ce qui se passe et de ce qui est en train d’advenir, c’est accepter de changer de lunettes, non pour subir l’avenir, mais pour, en explorant l’espace des possibles, se donner les moyens d’agir sur lui. Cela doit aussi s’appuyer sur une relance de la dynamique d’innovation de la Branche car il ne s’agit pas seulement de comprendre le monde mais de contribuer à le transformer. C’est ce que vous présentera tout à l’heure l’équipe d’animation de la démarche « prospective et innovations » 22 Mon cinquième vœu va à la Branche, ses équipes de direction, celles des caisses, celles de la caisse nationale qui m’ont déjà entendu hier, et derrière elles, les quelque 35 000 collaboratrices et collaborateurs qui chaque jour de l’année la font vivre et fonctionner. Nous tirons un des fils essentiels, qui constituent la trame du tissu de la protection sociale. C’est ce que nous avons voulu symboliser avec le fil rouge de la carte de vœux 23. Ces vœux s’adressent bien sûr à ceux qui, tous les jours, tissent ce fil et accompagnent nos allocataires dans les événements heureux ou difficiles de leur vie, mais aussi à leurs proches et à tous ceux qui leur sont chers. Cela m’amène au sixième vœu. Il s’adresse à tous nos concitoyens, tous nos allocataires et aussi à nous-mêmes. Que 2015 nous permette à tous de vivre en paix à l’abri des valeurs de la République. Ces valeurs prennent une couleur singulière en ces jours sombres. La liberté, et au premier chef, la liberté d’expression qui, dans une démocratie, est la première des libertés, car c’est elle qui permet le débat. L’égalité, et au premier chef, l’égalité des convictions qui, depuis 1905, porte dans notre République, le beau nom de laïcité. La fraternité dont la Sécurité sociale est, par son action de solidarité, l’une des principales expressions mais qui doit aussi se traduire dans le lien social que nous contribuons largement, nous branche Famille, à faire vivre au quotidien 24. Vivre à l’abri de ces valeurs, c’est aussi les faire vivre, les décliner dans toutes les couleurs, dans toutes les cultures, dans toutes les langues, dans toutes les convictions, dans toutes les religions, qui font la diversité de la communauté nationale sans exclusive, sans discrimination, sans exclusion. Voilà les six vœux auxquels vous avez échappé ce matin. Le septième, vous n’y échapperez pas car la fraternité, c’est d’abord de reconnaître dans chaque femme, dans chaque homme, un être humain. « Je suis Charlie ». C’est aussi un vœu que je forme pour chacun d’entre nous, pour continuer à dire l’humain avec l’humour. L’humour peut blesser, pourtant il ne devrait pas. Il permet, au contraire, de traiter de façon pacifique les conflits, les tensions, les différences. L’humour n’empêche pas de pleurer ; il permet d’éviter de se laisser enfermer dans ses larmes. L’humour est l’hygiène de l’esprit ; il oblige à prendre de la distance vis-à-vis de ses propres convictions, de ses propres certitudes, de se rappeler qu’il n’y a de vérité que relative 25. Comme le rire est le propre de l’homme, l’humour est la marque de l’humain. Bonne année, donc. Faites l’humour, pas la guerre 26.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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