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Economie politique et écologie politique sont dans le même bateau (suite) : à propos du pacte sociale et écologique)

Voilà une initiative qui mérite d’être saluée. Trop pris par la mise au point de la note de Terra Nova sur les pensions alimentaires, je n’ai pas eu le temps de commenter, à sa sortie, le pacte social et écologique publié, il y a deux jours, avec le soutien de Laurent Berger et de Nicolas Hulot. Pourtant j’avais d’autant plus envie de le faire que l’approche est celle que j’avais souhaitée, en rappelant, au moment de la démission du ministre d’Etat, qu »économie politique et écologie politique sont dans le même bateau« , sans oublier le troisième passager, les politiques sociales. J’avais d’autant plus envie de le faire que dans les 66 propositions, excusez du peu, j’y ai retrouvé bon nombre de celles que j’avais pu faire, y compris, en son temps, au candidat à la magistrature suprême ou ensuite au gouvernement issu des urnes. J’avais d’autant plus envie de le faire que j’ai participé, ou accompagné, voire je participe encore à nombre d’organisations signataires et que nombre de leurs responsables sont des proches ou des amis.

Economie politique et écologie politique sont dans le même bateau (suite)

A propos du pacte sociale et écologique

Au moment de la conclusion du grand débat, il faut d’abord saluer le fait que 19 organisations syndicales, mutualistes ou associatives, qui sont autant de corps intermédiaires entre une société civile introuvable, et un Etat trop déconnecté des réalités sociales, se sont mises d’accord sur un certain nombre de propositions précises.

Je n’ai pas de mépris pour l’expression directe des citoyens, « gilets jaunes » ou autres, mais elle aboutit nécessairement à un catalogue de demandes contradictoires, ou du moins non réalisables « en même temps ». Je n’ai pas de mépris pour les capacités des algorithmes et des technocrates à faire, dans cette masse de doléances et de données, le tri entre le bon grain et l’ivraie, sauf qu’il faut pour cela des critères d’arbitrage, qui sont aussi, comme leur nom l’indique, arbitraires.

Rien que sur la méthode, c’est à dire sur le tri et surtout l’élaboration de propositions, qui nécessite l’échange, le débat et la délibération, les propositions de ce pacte me paraissent avoir, non pas une valeur supérieure à cette expression directe et à son tamisage technocratique, mais lui donner une valeur ajoutée : celle d’un compromis positif entre des organisations qui ne défendent pas, a priori, les mêmes intérêts, qui ne portent pas spontanément les mêmes préoccupations sociales et environnementales, qui ne s’appuient pas sur les mêmes aspirations, qui ne se fondent pas sur les mêmes engagements.

Et le résultat est impressionnant, en terme de redéfinition des politiques publiques, et d’abord des politiques sociales. Car la plupart des 66 mesures relèvent d’abord des politiques sociales, mais aussi fiscales, dont on oublie trop souvent la dimension sociale. Avec un objectif central, essentiel tant pour le développement économique que pour la transition environnementale : « remettre l’exigence de justice sociale au cœur de l’économie ». Il y en a trop pour les reprendre ici, mais elles répondent pour moi à un objectif central, refonder un consentement la solidarité nécessaire à la soutenabilité de notre modèle social.

Bien sûr, le pacte appelle aussi à une vraie politique de transition environnementale, avec la généralisation de l’application du principe « pollueur payeur », et donc la remise en valeur de la fiscalité écologique, démagogiquement remise en cause au nom de son caractère soit disant punitif, par exemple par Ségolène Royal, mais à condition que le produit de ces taxes soient entièrement affecté à la transition écologique, en accompagnant les ménages, notamment les plus précaires, dans cette transition, et en adoptant « un plan d’investissement dans la transition écologique ». Mais le pacte esquisse aussi de nouvelles politiques publiques dans d’autres domaines où il faudrait les développer, en les orientant vers un objectif social et environnemental : le logement d’abord, la mobilité et les transports, mais aussi l’agriculture et l’alimentation, par exemple. Illustration du fait que les objectifs sociaux et environnementaux doivent, plus que des politiques publiques spécifiques, inspirer, comme le fait d’ailleurs la politique économique, toutes les politiques publiques.

Car fondamentalement, c’est une vision intégrée de l’économique, du social et de l’environnemental qui inspire ce pacte ; à l’encontre de la pensée économique dominante, à l’encontre du néo-libéralisme ambiant, qui considère l’économie, une économie réduite aux acquêts des biens et des services marchands, qui ramène la politique économique à sa seule dimension budgétaire et fiscale restrictive et inimaginative, comme ultima ratio des politiques publiques. Au contraire d’une économie qui se rêverait hors sol, sans tenir compte ni de l’humain, ramené à l’« homo economicus », ni de son habitat planétaire, ramené à un support sans valeur, ce pacte s’appuie sur une vision intégrée de l’économique, du social et de l’environnemental, qui considère tous ces éléments comme des « biens communs » de l’humanité. Ce qui conduit à proposer de nouveaux indicateurs de richesse, comme nous le faisons depuis plus de dix ans avec l’Idies (Institut pour le développement de l’information économique et sociale), en accueillant, dans le prolongement du rapport Stiglitz, le Forum pour de nouveaux indicateurs de richesse (Fair). Ce qui, pour moi devrait conduire à recalculer la richesse autrement, en définissant un nouvel indicateur chiffré le produit intérieur net (PIN) de la consommation de ressources environnementale. Ce qui conduit les signataires à mettre la lutte contre les inégalités au cœur des politiques économiques et sociales, car l’on sait depuis les travaux d’A.O. Hirshman, qu’il y a un niveau d’inégalités qui devient insoutenable et contreproductif, notamment au regard des exigences de la transition écologique. Ce qui devrait conduire également à redessiner une nouvelle protection sociale qui intègre cet objectif environnemental.

Pour cela les organisations signataires esquissent des modes de gouvernance de ces « biens communs » qui réconcilient démocratie directe et démocratie représentative, par exemple par une réforme du Conseil économique, social et environnemental (Cese), proche de celle que j’avais proposée ici. Comme à porter cette préoccupations des « biens communs », du niveau de l’entreprise (sujet également abordé par l’Idies dans son rapport 2017), à celui de l’Europe. Et évidemment à relancer un projet européen où pourrait être gérée en coopération cette nouvelle politique économique sociale et environnementale.

Paris, le 9 mars 2019

2 commentaires

  • Tu devrais faire allusion à ma chère économie sociale et solidaire mon combat de 40 ans dans sa dimension société de personnes et non de capitaux et au développement territorial seul réponse à la mondialisation mortifère. Amitiés

    • Merci Jean pour ton commentaire. C’est d’ailleurs la proposition 31 : Soutenir l’économie sociale et solidaire (coopératives, mutuelles, associations) et des modèles d’organisation d’entreprises plus responsables. J’ai été d’ailleurs ravi de voir que la Mutualité Française, que j’ai dirigée, soit également signataire. Il y a beaucoup de propositions que j’aurais voulu commenter, dont celle-là, mais cela dépassait le cadre de ce papier qui sera repris, dans une version encore abrégée dans Témoignage Chrétien de cette semaine.
      Promis, j’y reviendrai.
      Amitiés.

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