Chantiers, Sur le fil

Quelques réflexions sur l’agriculture urbaine.

Je publie ici quelques réflexions sur l’agriculture urbaine à la suite de la réunion plénière du CNV à Amiens, le 25 et 26 juin 2025.

L’un des thèmes de cette visite était la précarité alimentaire et les moyens de lutter contre ce fléau de la pauvreté. Mais elle a été aussi l’occasion de réfléchir à la question de l’agriculture urbaine, notamment à travers plusieurs visites de jardins communautaires. Et ce sous plusieurs angles.

  1. Le premier, marginal en terme quantitatif, est celui de la production. Cette agriculture contribue, même marginalement, à nourrir les habitants avec des produits frais, qu’ils ont pu récolter, voire cultiver eux-mêmes.
  2. Le second, plus important en termes quantitatif, est celui du partenariat qui a pu s’établir à cette occasion avec les producteurs locaux, maraîchers des hortillonnages ou producteurs de pommes de terre de la Picardie. Celui-ci permet de récupérer des produits en excédents ou mal conformés qui sont redistribués auprès des familles.
  3. Dans les deux cas (et ce point n’a pas été suffisamment analysé au cours du séjour) il est nécessaire de retrouver des savoir-faire culinaires souvent perdus. Cela doit permettre de sortir des habitudes qui se sont installées avec les produits transformés dont la qualité nutritive laisse à désirer.
  4. Cette agriculture urbaine joue également une fonction pédagogique, notamment auprès des jeunes en âge scolaire en leur permettant de comprendre toutes les étapes qui ont précédé l’arrivée des aliments dans leur assiette.
  5. Elle a probablement aussi (c’est en tous cas ce que j’ai compris des témoignages) un effet bénéfique sur la réinsertion de personnes exclues du marché du travail ainsi que sur la santé mentale.
  6. Ces formes d’agriculture urbaine renouent avec la tradition des jardins ouvriers (devenus jardins familiaux[1] après-guerre) et qui ont été promus à la fin du 19ème siècle notamment par l’abbé Lemire avec la création de la Ligue française du Coin de Terre et du Foyer en 1896, devenue en 1921 la Fédération nationale des jardins ouvriers.
  7. En octobre 2003, une proposition de loi transpartisane relative aux jardins collectifs[2] a été examinée par le Sénat mais n’a pu être adoptée. Les déclarations, souvent empreinte de lyrisme, de l’époque n’ont rien perdu de leur actualité :
  • « La poésie du béton et de l’asphalte n’attire plus guère les foules. Le monde se minéralise, s’atomise, s’informatise, et les Français se tournent de plus en plus vers le monde du vivant : les jardins, la forêt, la campagne. Il suffit d’une fleur et d’un jardin autour pour embaumer les heures et colorer les jours[…] » (Christian Cointat, membre de la Délégation parlementaire pour l’Union européenne (UMP)) ;
  • « Voyant dans ces jardins collectifs, l’antidote au mal des villes […] » (Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret (PS)) ;
  • « Nous parlons des fleurs et des fruits, de la ville et de la beauté, de l’insertion de tous. Celui qui bêche, sème, arrose et entretient devient acteur modeste, mais à part entière de l’application française du protocole de Carthagène sur la biodiversité »(Marie-Christine Blandin, sénateur les Verts du Nord – Pas-de-Calais) ;
  • « Les jardins familiaux, qu’ils soient d’insertion ou partagés sont source d’équilibre social, facteurs de vie locale et de cadre de vie […] »(Tokia Saïfi, député européen (PPE, Parti populaire européen)).
  1. Tout cela doit à mon avis inviter le CNV à se saisir de ce sujet de l’agriculture urbaine qui peut avoir des conséquences structurantes sur l’évolution des quartiers[3].

Amiens, les 25 et 26 juin 2025

[1] Jardins familiaux Titre VI du Code rural et de la pêche maritime  (Articles L561-1 à L564-3). Loi du 26 juillet 1952

[2] Visant à modifier l’article L.561-1 du code rural ainsi « L’appellation “jardins collectifs” fait référence aux jardins familiaux, aux jardins d’insertion et aux jardins partagés […]. On entend par jardins familiaux les terrains divisés en parcelles, affectées par les collectivités territoriales ou par les associations de jardins familiaux à des particuliers y pratiquant le jardinage pour leurs propres besoins et ceux de leur famille à l’exclusion de tout usage commercial. »

[3] Cf. Marcel Marloie « Il faut repenser en profondeur le modèle d’habitat urbain en multipliant les jardins collectifs » Le Monde, 17 juillet 2023

 

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