Démocratie & Spiritualité, Sur le fil

Vous avez dit « démocratie » ?

Je reproduis ci dessous mon introduction à la séquence plénière de l’Université d’été consacrée aux démarches démocratiques et auxquelles participaient Rachid Boussad, vice président du Conseil national des villes, représentant du collège des habitants, Lucile Schmid, présidente de la Fabrique écologique et membre du comité de rédaction de la revue Esprit,  Daniel Szeftel, expert associé à la Fondation Jean Jaurès, auteur de « L’espace civil : nouvelle frontière de la laïcité » dans « Et si l’IA était au service de la démocratie ? L’exemple du Grand débat national » et Jean-Paul Welterlen, maire honoraire de Uffholtz et membre de l’association. Cette introduction visait à préciser les différents modes d’exercice de la démocratie, avant un débat qui était orienté autour des réalisations relevant de la démocratie participative.

« La France est une République (…) démocratique »  affirme la Constitution du 4 octobre 1958 qui précise dans son article 3 que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par la voie de ses représentants et par la voie du référendum ». La Constitution distingue donc deux types de démocratie : la démocratie représentative et la démocratie directe.

En réalité la démocratie directe, qui prend la seule forme du référendum, est aujourd’hui réduite à la portion congrue. Il a été détourné après le rejet du projet constitutionnel européen repris dans le Traité de Lisbonne (je précise que j’étais, pour ma part, partisan du oui, mais que le non l’ayant emporté on aurait dû respecter la volonté populaire) et n’a plus été utiilisé depuis. La procédure du referendum d’initiative partagée (RIP) introduite par la réforme constitutionnelle de 2008 est tellement lourde qu’elle n’a jamais pu être engagée. C’est ce qui a conduit à la revendication d’un réferendum d’initiative citoyenne (RIC) par les Gilets jaunes qui n’a pas eue de suite.

Notre démocratie repose donc essentiellement sur la démocratie représentative, selon des modalités différentes, au niveau local (conseil municipal qui élit le maire), départemental, régional et surtout national avec un système hybride :

  • un régime essentiellement parlementaire, mais avec des dispositions permettant d’éviter les dérives de la 4ème République : c’est ce qu’on appelle « le parlementarisme rationalisé » ;
  • mâtiné de présidentialisme compte tenu de la pratique qui en a été faite depuis la création de la 5ème République et des évolutions constitutionnelles intervenues depuis (élection au suffrage universel, alignement de la durées des mandats présidentiel et des députés, notamment).

Cela a plusieurs conséquences :

  • la mise en place d’une « classe politique » composée des représentants désignés par ces élections avec les risques d’une coupure, notamment au niveau national, entre ceux-ci et le peuple qui les a désignés ;
  • une sacralisation des ces représentants par l’élection qui leur donne une sorte d' »onction républicaine », comme l’illustre le concept de monarque républicain qui s’applique souvent au président de la République, mais aussi comme le révélait la réaction de Jean-Luc Mélenchon à la perquisition dans les locaux de LFI (« Ma personne est sacrée. La République c’est moi ! »)
  • un conflit de légitimité entre les deux instances élues au suffrage universel.

Ce n’est pas l’objet ici de revenir sur les difficultés de fonctionnement de cette démocratie représentative, mais de constater que celles-ci ont conduit à tenter de développer d’autres formes de démocratie.

La première, qui se développe notamment dans le prolongement du programme du CNR, est la « démocratie économique et sociale ».

La démocratie économique va avoir un développement assez limité avec principalement l’institution des comités d’entreprise (devenu comité social et économique) et sauf dans le cas de l’économie sociale et solidaire (dans les coopératives, mutuelles et associations) la démocratisation des entreprises reste un chantier inachevé.

C’est surtout la démocratie sociale qui va se développer notamment, sous l’impulsion de Pierre Laroque, dans la gestion de la Sécurité sociale, principalement des caisses de base. Celle-ci puise ses sources dans la démocratie mutualiste, mais aussi syndicale. Lui est également associée le paritarisme, qui découle de la négociation collective entre syndicats et employeurs, et qui marque aussi la gestion de la protection sociale (chômage et retraites complémentaires notamment).

Cette démocratie économique et sociale a trouvé une expression institutionnelle qui reste néanmoins réduite avec le Conseil économique social et environnemental (Cese) ainsi que, au niveau régional, avec les Ceser (qui ne sont pas, eux, prévus par la Constitution).

A la démocratie sociale s’est ajoutée, avec la loi Kouchner de 2002, une démocratie sanitaire qui vise à assurer la représentation et l’expression des usagers du système de santé (Conférences régionales de santé et de l’autonomie, représentation dans les caisses d’assurance maladie, et dans les établissements de santé, etc…).

On notera que ces différentes formes de démocratie repose sur le principe de la représentation, soit sur la base de l’élection, soit sur la base de la désignation par des organisations considérées comme représentatives. Depuis quelques années se développe le concept de « démocratie participative » avec de multiples initiatives ;

  • le Grand débat, qui faisait suite à la crise des Gilets jaunes ;
  • les conférences citoyennes, sur le climat, puis sur la fin de vie, aujourd’hui conduites sous la responsabilité du Cese ;
  • les consultations publiques
  • sans parler des débats publics organisés par la Commission nationale du débat public qui existe dpuis maintenant 30 ans.

Ces formes de démocratie participative ont une double caractéristique :

  • D’une part la tentative de retour à une expression directe des citoyennes et citoyens ou du moins à leur représentation au sens statistique (par tirage au sort) sans passer par le filtre de l’élection ou de la désignation.
  • D’autre part le « dialogue des savoirs » (déjà présent dans la démocratie sanitaire), en combinant les expertises diverses et les « savoirs expérientiels » (ou expertise d’usage).

Chevilly-Larue, Centre d’accueil spiritain, le 6 septembre 2025

 

 

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