« Démocratie et laïcité sont deux termes identiques. (…) Il n’y a pas égalité des droits si l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce. » (Jean Jaurès in « L’enseignement laïque » discours prononcé à Castres le 30 juillet 1904)
Ce 9 décembre nous célébrons les 120 ans de la loi de 1905 « concernant la séparation des Églises et de l’État », considérée, même si elle n’en mentionne pas le terme, comme la loi fondatrice de la laïcité en France.
Aujourd’hui cette laïcité fait débat. Comme l’illustre ceux relatifs à un récent sondage de l’Ifop sur « le rapport à l’islam et à l’islamisme des musulmans de France » ou la proposition de loi de Laurent Wauquiez pour interdire le port du voile par les mineures dans l’espace public, ceux-ci visent principalement l’islam : à tel point qu’elle est souvent instrumentalisée au service de ce que l’on qualifie parfois de ce terme impropre de « racisme antimusulman » : un terme qui essentialise les musulmans en les assimilant improprement à une race -comme l’antisémitisme essentialise les juifs- et auquel il faut préférer celui d’islamophobie qui s’est finalement imposé, même s’il y a eu des débats sur sa genèse. Dans le même temps l’antisémitisme lui aussi se développe dans notre société, parfois même là où on ne l’attendait pas.
Antisémitisme. Islamophobie. D’aucuns pourraient considérer que ces sujets n’ont qu’un rapport lointain avec la laïcité. Une laïcité qui s’est construite historiquement pour lutter contre l’imperium de l’Eglise catholique sur les consciences. Mais même en 1905, la loi visait toutes les religions (les « Eglises ») et essayait de trouver ce fragile équilibre -cette « ligne de crête » comme nous disait Philippe Gaudin il y a un an- entre le respect de la liberté de conscience et de culte affirmé dans l’article 1er de la loi, et la volonté, dans un souci d’émancipation des personnes, de circonscrire le rôle des religions dans l’organisation de la société organisation qui relève, elle, de la démocratie ; en découle le principe de neutralité de la République dont la loi de séparation tire les conséquences notamment dans son article 2. C’est cette ligne de crête que nous avons essayé de rechercher dans l’ouvrage « Laïcité et spiritualité, vers un nouvel équilibre » en juin 2024.
Comment refuser les dérives théocratiques de l’islamisme et lutter contre sa traduction terroriste, le djihadisme, sans pour autant tomber dans le l’islamophobie ? Comment dénoncer les dérives colonisatrices et criminelles du sionisme de Netanyahou et de l’extrême droite israélienne sans tomber dans l’antisémitisme ? C’est toujours cette même ligne de crête qu’il nous appartient de réaffirmer dans les débats d’aujourd’hui, en refusant leur hystérisation mais en acceptant aussi la diversité des réponses possibles, car ces questions doivent être abordées avec « le courage de la nuance ».
C’est cette recherche de la « ligne de crête » qui nous avait conduit aussi, en 2021, à proposer la création d’une autorité indépendante chargée « d’arbitrer les dilemmes du quotidien dans l’application des principes de la laïcité » : on ne peut donc que se réjouir que cette idée vienne d’être reprise, même si c’est dans des termes un peu différents, par le député Jérôme Guedj, dans une proposition de loi constitutionnelle visant à instituer un Défenseur de la laïcité, à l’image du Défenseur des droits. Une façon de donner une traduction à l’article 1er de notre Constitution qui stipule que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » en précisant qu’« elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » et qu’« elle respecte toutes les croyances ».
Projet d’édito pour la lettre de Démocratie & Spiritualité. Paris, Croulebarbe, le 2 décembre 2025
Laisser un commentaire