« Non, nos agriculteurs ne sont pas des bandits, des pollueurs, des personnes qui torturent les animaux, comme on peut l’entendre parfois » a déclaré le Premier ministre samedi dernier. Il a raison … et tord, … en même temps.
Bien sûr cette présentation négative du monde agricole, qu’on attribue classiquement aux écolo-urbains et elle-même dénoncée par la FNSEA comme « agribashing », est fondamentalement fausse. Mais comme je l’ai indiqué dans mon rapport sur le mal-être en agriculture -en m’appuyant d’ailleurs sur des analyses internes au syndicat majoritaire-, la dénonciation en retour de l’agribashing est aussi un moyen de ne pas entendre les questions adressées à l’agriculture par l’ensemble de la société.
Cette incompréhension croissante est probablement la cause principale du mal-être agricole actuel et de sa conséquence parfois dramatique, le suicide ; un mal-être révélateur du nouveau malaise agricole qui est à l’origine des manifestations qui se développent en France mais aussi dans le reste de l’Europe ; comme pendant les trente glorieuses, le malaise agricole de l’époque, avait suscité des manifestations souvent violentes.
Retrouver les voies -et les voix- du dialogue entre l’agriculture et la société, c’est ce qui m’avait amené à proposer au Cese d’organiser une consultation publique sur l’avenir de l’agriculture, associant des citoyens, agriculteurs et non-agriculteurs, pour concilier des objectifs qui peuvent apparaître comme contradictoires, et qui se transforment en autant d’injonctions paradoxales pour les exploitants (et leurs salariés).
Cette proposition n’a pas été retenue pour la préparation du projet de loi d’orientation agricole, qui finalement a renoncé à régler la question agro-environnementale, pour se limiter à la question de la transmission. Résultat, sa présentation initialement prévue en conseil des ministres mercredi, est reportée de quelques mois, pour intégrer des réponses aux manifestations qui se développent dans les campagnes : résultat, aussi, faute d’avoir réglé les questions centrales en amont, on risque, comme au moment des gilets jaunes, de céder de façon excessive face à la pression de la rue -ou du lisier et des tracteurs-, sans pour autant régler au fond les problèmes posés ; et surtout sans diminuer la tension avec le reste de la société ; une société qui risque de considérer qu’une fois de plus on accepte des agriculteurs ce qu’on refuse aux autres.
Paris, Croulebarbe, le 22 janvier 2023.
Laisser un commentaire