J’ai récupéré à la rédaction de TC le livre du Collectif Anastasis, « Urgence évangélique. Manifeste pour un universalisme égalitaire alternatif à la mondialisation capitaliste« . J’ai rajeuni de cinquante ans en le lisant, me retrouvant dans les années où je lisais La foi d’un chrétien révolutionnaire de Philippe Warnier, où j’adhérai au PSU après le départ de Michel Rocard et où je fréquentais les Chrétiens marxistes au 68 rue de Babylone.
Il y a un siècle, dans « Le savant et le politique », le sociologue allemand Max Weber introduisait la célèbre distinction entre « éthique de responsabilité » et « éthique de conviction » et faisait de l’éthique du « tout ou rien » de l’Évangile, une sorte de type-idéal de celle-ci. C’est cette « éthique du sermon sur la montagne » qui anime le Collectif Anastasis (« motc signifiant à la fois « résurrection » et « insurrection » ») dans le petit opuscule « Urgence évangélique. Manifeste pour un universalisme égalitaire alternatif à la mondialisation capitaliste« .
Une éthique qui s’appuie sur une critique non seulement radicale mais aussi spirituelle du capitalisme : « Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’argent » dit l’Evangile (Mt 6, 24). Ce règne de l’argent qui s’appuie sur l’idée que la propriété est un droit naturel et sur l’« anthropologie libérale qui tend à penser le choix comme un acte individuel davantage que comme une action produite socialement et finalisée moralement ».
Une éthique qui conduit à rejeter non seulement les idéologies qui servent de caution au renforcement des inégalités socio-économiques et à la destruction de la nature mais aussi celles qui justifient le racisme et l’exclusion, au nom d’une interprétation inversée de la parabole du bon samaritain, comme celle du vice-président J. D. Vance, qui « n’hésite pas à mobiliser l’Évangile pour lui faire dire ce qu’il ne dit pas« en reprenant un propos ancien de Jean-Marie Le Pen : « Les Évangiles m’enseignent d’aimer mon prochain, pas mon lointain ». Le contraire en d’autres termes de l’éthique du sermon sur la montagne : « Si vous ne saluez que vos frères, que faites vous d’extraordinaire » (Mt 5,47).
Une éthique qui conduit à reprendre un discours utopique, comme celui du communisme primitif des premières communautés chrétiennes : « les croyants mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et en partageaient le prix entre tous selon les besoins de chacun » (Ac 2, 45).
On peut, bien sûr, ne pas partager toutes les conclusions que le collectif tire de cette lecture sans concession des évangiles, comme sa « prise de position répétée contre les projets de loi contre le suicide assisté ». On pourrait, surtout, s’inquiéter des risques de dérive théocratique. Mais ce serait confondre l’éthique de conviction qui inspire ce texte, avec l’éthique de responsabilité, qui devrait inspirer les responsables politiques dans leurs projets : dans un cas ne pas utiliser de moyens contraires aux fins, dans l’autre tenir compte des conséquences probables des initiatives.
Rappelant son attachement « à la laïcité -en tant que séparation de l’Etat et des Eglise- et au libéralisme politique -entant que reconnaissance du caractère fondamental des droits individuels-« et que « le royaume de Dieu » n’a rien à voir avec une théocratie« , le collectif propose néanmoins l’élaboration , à l’image de la théologie de la libération, d’une théologie politique, non pour conquérir le pouvoir, mais pour « ébranler les modes de vie majoritaires, les structures de pouvoirs et tout l’ordre social ». Autrement dit une force de rappel pour éviter que l’éthique de responsabilité ne se dégrade en simple machiavélisme,
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