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De la Gipa à l’Aripa : itinéraire d’un nouveau droit social

Avec Laurence Rossignol et Jean-Louis Deroussen, j’ai inauguré  le vendredi 20 janvier, à la Caf des Yvelines, la nouvelle Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa). L’occasion de revenir sur cette belle réforme des pensions alimentaires engagée avec la Gipa1  et dont l’Aripa est désormais la clé de voûte. Une réforme moderne, tant en matière d’organisation administrative que de conception de la Sécurité sociale.

De la Gipa à l’Aripa : itinéraire d’un nouveau droit social

1 – L’Aripa, c’est d’abord une réforme administrative moderne. Plutôt que de créer ex nihilo un nouvel organisme pour apporter une réponse au problème des pensions alimentaires non payées, nous avons choisi d’organiser cette nouvelle agence en nous appuyant sur les dispositifs mis en place depuis 2014 au sein de la branche Famille (y compris la MSA), pour améliorer le recouvrement des pensions alimentaires, domaine qui était souvent, il faut bien le dire, mal géré par les Caf auparavant. En 2014, dans le cadre des actions conduites pour accroître l’efficacité de la Branche, les Caf ont mutualisé la gestion de l’Allocation de soutien familial recouvrable (ASFR), de façon à améliorer la gestion de cette prestation qui avait été critiquée par la Mission nationale de contrôle du ministère. La moitié environ des 200 emplois en CDI complémentaires prévus par la COG 2  a d’ailleurs été affectée aux 22 Caisses pivot pour renforcer cette activité, tant en effectif qu’en expertise.

Parallèlement, a été engagé à titre expérimental et malgré les critiques 3, un nouveau dispositif de garantie des impayés de pensions alimentaires (Gipa), associant la MSA, et ce, dans 20 départements. Cette expérimentation a fait l’objet d’une évaluation 4 qui a conduit à sa généralisation au 1er avril 2016.

La création de l’Aripa s’est appuyée sur ces acquis. Il n’y a pas eu de création d’un nouvel organisme, mais l’intégration dans un service national des 23 Caisses pivot, Caf et MSA, sous l’égide de la Cnaf 5,  réseau de Caisses pivot qui lui-même a été complété par :

– une plate-forme téléphonique 6, confiée à la Caf de la Haute Garonne ;

– un site internet7, qui permet de faire un certain nombre de simulations ou de démarches en ligne.

Résultat : l’Aripa, ce sont plus de 350 collaborateurs répartis sur tout le territoire national , qui sont totalement dédiés aux missions de l’Agence et qui agissent pour le compte des Caf qui continuent à assurer le contact avec les allocataires, sans qu’il y ait eu besoin pour cela de créer un organisme nouveau, avec une personnalité morale, mais aussi avec les coûts de structure (direction, comptabilité, gestion des ressources humaines, immobilier, etc.) qui vont avec.

2 – L’Aripa, c’est également une vision moderne de la Sécurité sociale, dans la mesure où l’extension de ce dispositif de solidarité n’exonère pas pour autant les personnes, en l’espèce le parent débiteur de la pension, de leur responsabilité, contrairement à l’accusation de favoriser la déresponsabilisation souvent portée contre la protection sociale.

L’Aripa constitue en effet la clé de voute d’un dispositif de solidarité renforcé mis en place avec la Gipa. En effet, celle-ci a d’abord mis en place une pension alimentaire minimale, en venant compléter à hauteur de 104,75 € la pension versée par le débiteur (avec la création de l’ASF complémentaire qui vient porter le montant de la pension à ce niveau) et par ailleurs une couverture, jusqu’à hauteur de ce minimum, du risque de non-paiement (en combinant le mécanisme de l’ASF Recouvrable pour la part non payée si elle est inférieure à ce minimum et l’ASF complémentaire pour le supplément).

La solidarité assurée par la Sécurité sociale se substitue donc à la responsabilité personnelle, en l’espèce parentale, quand celle-ci est insuffisante ou défaillante. Pour autant, grâce au dispositif de recouvrement, la solidarité n’exonère pas le débiteur de sa responsabilité, au contraire :

– D’abord le fait de compléter à un minimum la pension alimentaire quand celle-ci est faible conduit à ne pas exonérer du paiement les débiteurs qui ne peuvent y contribuer que pour des montants faibles quand leur capacité contributive est réduite ; comme c’était le cas avant la mise en place de la Gipa (et donc de l’ASF complémentaire), pour pouvoir dans ce cas faire bénéficier la créancière potentielle de l’ASF non recouvrable. De surcroit, en 2018, le montant de la pension alimentaire pourra résulter d’un accord amiable, notamment après une médiation. Pour garantir la responsabilité du débiteur, un barème de pension alimentaire minimale a donc été établi, de façon à éviter que le montant et la pension due ne soient fixés à un montant artificiellement faible, compte tenu du complément apporté par le dispositif de garantie.

– Ensuite en cas de défaut de paiement, les moyens de recouvrement ont été considérablement renforcés avec possibilité de prélèvement sur le compte bancaire ou directement sur le salaire, dispositif qui a en outre un effet dissuasif dans la mesure où sa mise en œuvre risque de faire connaître à l’employeur la défaillance du débiteur. Par ailleurs, les possibilités d’une mise hors d’état, pour raisons de violence notamment, ont été réduites. En revanche, dans cette hypothèse, la Caf peut jouer le rôle d’intermédiaire financier entre le débiteur et la créancière, ce qui diminue les risques de violence, puisqu’il n’y a plus de relation directe avec le débiteur.

Cette responsabilisation du parent débiteur passe aussi par un dispositif de prévention qui a été étendu à l’occasion de la généralisation de la Gipa : la proposition de participer à des sessions « être parents après la séparation » de façon à permettre aux deux parents de continuer à assurer chacun leur responsabilité parentale, même une fois séparés. On voit par là qu’il ne s’agit pas uniquement de responsabiliser les deux parents sur la prise en charge du coût de l’enfant mais aussi de permettre à chacun d’eux de continuer à assurer la fonction parentale, y compris pour celui qui n’a pas la charge directe de l’enfant.

Paris, le 28 janvier 2017

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