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Départementalisation des Caf et réforme territoriale (ou « la caf de Bayonne ne va pas disparaître »)

« Ceux dont la conduite offre le plus à rire sont toujours sur autrui les premiers à médire ; ils ne manquent jamais de saisir promptement l’apparente lueur du moindre attachement, d’en semer la nouvelle avec beaucoup de joie, et d’y donner le tour qu’ils veulent qu’on y croie » (Molière, Le Tartuffe)

Sous le titre, acheter du cialis en ligne « L’agonie de la Caf a commencé » 1, l’hebdomadaire « La semaine du Pays-Basque » a développé le 20 mars 2015, sur trois pleines pages la thèse d’une disparition de la Caf de Bayonne, identifiée à tord, avec celle du Pays-Basque. Paru pendant la période de réserve à laquelle je suis soumis, je réagis avec une semaine de retard 2. De son côté, le professeur Michel Abhervé sous le titre « Le modèle d’organisation départementale ne supporte pas d’exception pour la Cnaf : illustration basco-béarnaise » 3, dénonce, dans le blogue qu’il tient sur le site de mes amis d’Alternatives Economiques « L’aberration au 21ème siècle, (d’impulser) une organisation territoriale dans le découpage du 19ème siècle ».

Je ne répondrai pas, ni ici ni ailleurs, aux attaques personnelles dont je suis l’objet dans le premier dossier 4 : j’imagine que leurs auteurs n’étaient pas suffisamment assurés de leurs arguments pour se sentir obligés d’y ajouter la médisance et l’injure. De même, je regrette que Michel Abhervé n’ait pas jugé bon de publier la réponse que je lui avais faite sur son blogue et lui ait préféré un commentaire orienté de mon interview dans Sud-Ouest 5 où je rétablis la vérité des faits et des intentions. Fidèle à l’objet de ce blogue, 6 je ne souhaite ici que répondre sur le fond et développer pourquoi la départementalisation des Caf est, contrairement à ce qui est affirmé dans ces papiers, un moyen de les préparer à la réforme territoriale et à une bonne « territorialisation » des politiques publiques dont elles ont la responsabilité de la mise en œuvre.

À l’occasion de la polémique sur l’avenir de la Caf de Bayonne 

 Départementalisation des Caf et réforme territoriale.

 La question de l’organisation territoriale du pays et, par voie de conséquence, des organismes de sécurité sociale, est une question trop complexe pour être ramenée à des oppositions binaires 7 opposant départementalistes et régionalistes, jacobins et girondins ou encore les partisans des particularismes locaux à ceux de l’unité nationale 8. Il est d’ailleurs assez cocasse, après avoir été accusé, par certains, de préparer avec la régionalisation la privatisation quand je dirigeais l’assurance maladie, d’être présenté aujourd’hui comme un défenseur acharné d’un département symbole d’un jacobinisme et d’un étatisme dépassé….

1. Pourquoi la départementalisation des Caf ?

Je me dois d’abord de rendre hommage à mon prédécesseur, Hervé Drouet, d’avoir, avec Jean-Louis Deroussen, le président du conseil d’administration de la Cnaf, réussi cette opération de départementalisation des Caf, que je voulais moi-même faire pour les Cpam en 2004, mais que l’Assurance Maladie n’a pas souhaité mener à son terme 9 Quand cette opération a été engagée, la réforme territoriale n’était pas à l’ordre du jour, même si la question du millefeuille territorial et donc de l’avenir des départements, n’est pas récente 10. Pour autant, je ne suis revenu sur elle ni quand j’ai pris mes fonctions, ni quand le Premier ministre a annoncé, dans son discours d’investiture 11 , la réforme territoriale car s’il y a eu (et y a encore dans le cadre de la loi « Notre ») un débat sur les fonctions futures des conseils départementaux, il n’a jamais été question de supprimer le département comme maille d’action administrative, (et d’ailleurs, il n’a jamais été question de supprimer les préfets de département). Bien sûr, et Michel Abhervé a raison sur ce point 12, le département n’est pas adapté, -trop grand-, pour le développement des initiatives dans les domaines dont nous avons la charge (développement de l’accueil de la petite enfance, des activités péri et extra scolaires, de la vie sociale et du lien social, de la lutte contre la précarité, de l’insertion sociale…) et c’est pourquoi sur tous ces sujets nous privilégions la maille du bassin de vie, qui est la cible visée pour les intercommunalités (et j’ai eu, sur ce sujet, de nombreux échanges avec l’AMF, l’ADF, l’ADCF et l’Uncass). Mais il ne serait évidemment pas raisonnable, en termes d’efficacité administrative, d’établir une Caf par bassin de vie, 13. Mais surtout il n’en est pas besoin : ce ne sont pas les Caf qui « font », ce sont leurs partenaires : municipalités, intercommunalités, associations, etc. Les Caf ont, dans ces domaines, une fonction de programmation, d’aide à la formulation des projets et de contractualisation des opérateurs en vue de leur financement 14. La maille départementale, héritée de l’histoire, et aussi imparfaite soit-elle, est un bon compromis, car elle permet de concilier la proximité nécessaire avec chacun des opérateurs et une économie d’échelle suffisante pour assurer la mise en œuvre de ces politiques (avec, en moyenne 16 bassins de vie par Caf).

Bien sûr, ce raisonnement est théorique, et peut même paraître technocratique. Mais l’expérience de la préfiguration des schémas départementaux des services aux familles a justement montré 15 que la maille départementale permettait une adaptation à chaque situation, considérant que c’est l’échelon où, sous l’autorité du Préfet, puisqu’il s’agit de la mise en œuvre d’une politique publique nationale, l’ensemble des institutions pourraient se rencontrer et se mettre d’accord sur une façon de l’adapter aux territoires. Il en est de même pour une autre politique importante conduite par la branche Famille, celle de l’accès au droit 16, pour laquelle nous privilégions également, pour des raisons identiques, la maille des bassins de vie.  Cela mériterait de long développements, mais les Caf ont été amenées à définir des schémas territoriaux d’accès aux services, visant à assurer une proximité suffisante dans le cadre des accueils 17 mais aussi des partenaires de l’accès au droit que sont les maisons de service public, La Poste ou les associations de solidarité. Pour ces deux domaine, comme sur d’autre, le département n’est qu’un espace de « gouvernance » de ces politiques publiques, ni plus (ce n’est pas nécessairement le territoire pertinent, mais il permet d’identifier les espaces pertinents), ni moins (car toutes les institutions partenaires des Caf sont aujourd’hui départementales et les réunir est une condition des politiques partenariat es).

Pour ces deux domaines en revanche, la maille régionale se révèlerait quand à elle trop grande, car beaucoup trop lointaine, a fortiori avec les 13 nouvelles régions. Pour ce qui concerne le branche Famille, 18 elle est développée aujourd’hui pour mettre en place des coopérations entre Caisses, ce qu’on appelle des mutualisations. En effet, la taille de nombreuses caisses départementales ne leur permettent pas d’atteindre les économies d’échelle suffisantes sur les activités dites de production, comme de dégager des moyens suffisants pour développer les expertises nécessaires dans des domaines spécialisés. Les schémas régionaux de mutualisation, à l’échelle d’une ou plusieurs régions administratives, facilitent la gestion en commun de certaines de ces activités : sur les premières : plateformes téléphoniques, numérisation des dossiers, gestion de certaines prestations comme l’Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) ; sur les secondes : le développement de plateformes de recours contre les débiteurs des pensions alimentaires défaillants 19 et dans certaines régions, la communication par exemple. Bien sûr, ces « coopérations régionales » devront s’adapter à la future carte régionale, lorsqu’elle sera effective. Ce redécoupage des régions pourra se faire donc pour la branche Famille à l’horizon de la prochaine Cog, (2018-2022).

Enfin, et sans m’étendre sur le sujet, certaines fonctions, qui étaient autrefois déconcentrées au niveau des caisses ou des régions, sont aujourd’hui gérées au niveau national. C’est le cas de la gestion du système d’information d’abord développé dans le cadre de Centres régionaux de traitement informatique (Certi) constitués entre les Caf et qui est, depuis le début des années 90 national, ce qui explique la réorganisation en cours de la Dsi de la Branche.

Tout changement inquiète, et c’est normal. Ce n’est pas une raison, pour ceux qui s’y opposent d’utiliser des arguments manichéens, opposant un passé idéalisé à un futur noir de menaces pour transformer cette inquiétudes en opposition à des changements qui visent à préparer nos organisations aux enjeux de demain.

2. Pourquoi y a-t-il deux Caf dans les Pyrénées Atlantiques et que vont-elles devenir ?

D’abord, il faut tordre le cou à une idée fausse. La Caf de Bayonne n’est pas, historiquement, la Caf du pays basque. Elle intègre un large territoire non basque, celui du Seignanx, qui, de surcroît, est dans les Landes et non les Pyrénées-Atlantiques ; et une partie du territoire basque (celui de la vallée de la Soule) est lui-même rattaché à la Caf de Pau (dite du Béarn et Soule).

En fait, la création de la Caf de Bayonne, comme celle d’une Caisse Primaire à Bayonne en 1946 20 n’a rien à voir avec la question basque, mais beaucoup avec les caisses qui pré-existaient à la création de la sécurité sociale par l’ordonnance du 4 octobre 1945 21.

En effet, celle-ci n’est pas née de rien. Sur la base des lois de 1932 et 1938, s’étaient généralisées des Caisses de compensation familiale et des lois de 1928 et 1930 sur les assurances sociales des caisses mutualistes d’assurance maladie. Le ressort de celles-ci dépendait largement du ressort des unions patronales et de leurs accords locaux avec les organisations syndicales. Le projet initial de Pierre Laroque était de constituer des caisses générales de sécurité sociale, dans chaque département, gérant tous les risques et toute la population. Les résistances n’ont pas permis de réaliser cet objectif : les régimes spéciaux et particuliers ont été maintenus (ou ont attendu plus tard pour être mis en place) 22 et les Caf et les caisses primaires n’ont pas fusionné 23 et l’on a conservé, ou regroupé, les caisses préexistantes en en modifiant en revanche les règles de gouvernance. Dans le cas des Pyrénées-Atlantiques, ont été regroupé sur Bayonne, des caisses qui préexistaient, en attachant, pour des raisons de proximité géographique, mais aussi historiques et syndicales la caisse du Seignanx, comme pour la Caisse primaire 24. Ceci pouvait bien sûr se comprendre dans le contexte technologique, sociologique et politique de l’époque. Cela n’a plus guère de sens au moment où Internet a aboli les distance et où un certain nombre de politiques publiques ont, comme je l’ai indiqué plus haut, été confiées aux Caf, pour une mise en œuvre déconcentrée à l’échelle du département 25.

Mettre en place une Caf du Pays Basque aurait donc, comme je l’ai indiqué plus haut, conduit à restructurer le territoire de la Caf de Bayonne, pour lui rattacher la partie du Pays Basque qui dépend de la Caf de Pau et en même temps affecter le territoire du Seignanx à la Caf des Landes. Mais cela n’est pas nécessaire pour tenir compte de la spécificité du Pays Basque dans la gestion de la branche Famille. C’est le sens de la mission de préfiguration que j’ai confiée à la directrice de la Caf de Pau en la nommant directrice intérimaire de la Caf de Bayonne. Il s’agit bien, comme le souhaite Michel Abhervé sur son blogue, d’expérimenter « une nouvelle forme d’organisation » territoriale au sein de la future caisse des Pyrénées-Atlantiques, tenant compte des choix d’organisation tant du Pays Basque que du Béarn, dans le cadre de la réforme territoriale.

La période de préfiguration est propice à la définition d’une gouvernance de la caisse à même de tenir compte de cette dualité du département. Comme la Caisse du Nord a mis en place des commissions territoriales pour assurer la transition, notamment en matière d’action sociale, avec les politiques des huit anciennes caisses, de même, le futur conseil d’administration de la caisse des Pyrénées-Atlantiques pourra tenir compte de la façon dont la gouvernance des territoires aura été mise en place 26. En revanche, il est clairement trop tôt pour les définir, car la balle est aujourd’hui côté basque (et côté béarnais) pour définir un projet commun de gouvernance territoriale. C’est sur cette base, qu’au sein de la future caisse départementale, pourra être mis en place un dispositif de gouvernance adapté au territoire basque, comme aux autres territoires 27.

Cette évolution, ainsi que la distance entre les deux villes de Pau et de Bayonne, conduit bien à maintenir deux implantations pour la future Caf départementale, 28 chacune gérant les fonctions de proximité, ainsi que la politique d’action sociale des territoires dont elle aura la responsabilité 29. Celle-ci s’inscrira dans des schémas départementaux, comme c’est déjà le cas pour la petite enfance et les services aux familles de façon à tenir compte des spécificités de chaque territoire, comme de chaque bassin de vie, sur la base de choix qui auront été fait par les collectivités locales en matière d’intercommunalités.

Dans ce sens, la période de préfiguration a pour objectif de rapprocher les politiques d’action sociale, par exemple en matière de langues régionales, notamment sur les territoires basques qui dépendent de la Caf de Pau qui pourront bénéficier de dispositifs identiques à ceux mis en place par la Caf de Bayonn.

La qualité de service n’a également aucune raison d’être dégradée, le site de Bayonne continuant à assurer la relation de proximité, y compris pour le territoire du Seignanx, sachant qu’une partie importante de la relation de service est aujourd’hui dématérialisée 30 et que la relation de proximité est de plus en plus concentrée sur l’accès au droit, avec le développement du rendez-vous des droits 31 et l’accueil sur rendez-vous. Pour des raisons évidentes de proximité, cette activité restera à Bayonne.

La période de préfiguration permet de gérer cette évolution dans le temps, en attendant que les conséquences de la réforme territoriale aient été tirées par les collectivités territoriales, ce qui est prévu pour la fin 2016, et ce qui permet, si des dispositions spécifiques devaient être prises pour le renouvellement du conseil d’administration de la caisse départementale en 2017, qu’elles puissent l’être.

C’est ce qui a été expliqué aux deux conseils d’administration lors de la rencontre que nous avons eu avec eux le 20 janvier, Jean-Louis Deroussen et moi. On voit par-là que le procès en sorcellerie jacobine et technocratique qui m’est fait est loin de la réalité de cette préfiguration, mais reflète juste, de la part de ceux qui l’instruisent, un attachement fétichiste au passé, sans donner les moyens à la Caf de Bayonne, comme à celle de Pau, de se préparer à l’avenir. Autrement dit, la Caf de Bayonne ne va pas disparaître, elle va participer à la création de la Caf des Pyrénées Atlantiques, qui contribuera à la mise en oeuvre sur l’ensemble du département, et notamment au pays basque, des politiques publiques confiées à la Branche famille de la Sécurité sociale.

 

 

2 commentaires

  • Désolé d’apprendre que vous avez envoyé uen réponse à mon article et que je ne l’aurai pas publiée
    Elle a du passer ans le très nombreux spams qui encombrent et parfois me font commettre des erreurs
    Je vous assure que si vous me renvoyez votre réponse elle sera publiée
    Avec mes excuses pour de dysfonctionnement

    • Merci à Michel Abhervé d’avoir publié ma réponse avec un lien avec ce papier sur son blogue et d’avoir de surcroît présenté ses excuses, ce qui d’ailleurs ne s’imposait pas puisque visiblement ma première réponse a été spamée.
      En revanche Jean-Philippe Ségot de la « Semaine du Pays Basque » (qui au passage, et contrairement à Sud-Ouest, n’a jamais cherché à me joindre ou à me rencontrer, encore un bel exemple de déontologie journalistique !) à récidivé dans la médisance et dans l’injure en publiant sur son site internet et sur sa page Facebook une version légèrement modifiée de l’article de dénonciation supposé révéler ma vraie nature http://www.lasemainedupaysbasque.fr/2015/03/19/30768-lenoir-tartuffe-itineraire-d-un-directeur-de-la-cnaf. Évidemment en ne répondant en rien sur le fonds, mais en cherchant à stimuler les réflexes « antisystéme » et poujadiste (c’est d’ailleurs à ce jour la teneur du seul commentaire posté sous l’article).

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