Sur le fil

La commune n’est pas morte

Tout ça n’empêch’pas

Nicolas,

Qu’la commune n’est pas morte !

Eugène Pottier

« Napoléon, oui. La commune, non. » a répondu Pierre Nora à Léa Salamé lors de la matinale du 4 mars de France Inter sur les commémoration de 2021.

Bien sûr, il faut commémorer Napoléon, avec sa face claire, celle du général de la Révolution qui a voulu en partager les idéaux et la philosophie du droit avec les autres nations européennes, et ce serait oublier ce que la République d’aujourd’hui lui doit que de ne pas le faire ; mais aussi la sombre -celle qui déjà perçait sous Bonaparte- de celui qui a rétabli l’esclavage et voulut soumettre l’Europe de l’Atlantique à l’Oural. Mais pourquoi ne pas faire de même pour la Commune, avec sa face sombre de la violence insurrectionnelle, mais aussi sa face claire de l’utopie communale ? Pourquoi ?  Parce que, selon le spécialiste des lieux de mémoire, depuis que le fondé de pouvoir de la banque Rothschild, devenu Président de la République, est allé s’incliner devant le mur des fédérés au Père Lachaise, la Commune n’est plus le symbole d’une mémoire ouvrière par ailleurs en voie de disparition. Non pas cette année, mais il y a cinquante ans -il s’appelait Georges Pompidou-, pour les cérémonies du centenaire.

Sur trois points au moins il se trompe.

D’abord la mémoire de la Commune est toujours violemment rejetée à droite. A preuve le combat de l’opposition municipale parisienne contre les célébrations du cent-cinquantenaire et contre la subvention à l’association des amis de la Commune. De même la décision de déclarer monument historique la basilique en forme de meringue qui domine Paris, qui, même si le vœux d’y expier les péchés de la France est antérieur à la Commune, s’est confondu rapidement avec celui d’expier ceux des communards, … mais bien sûr pas ceux des versaillais.

Ce qui est rejeté aussi c’est l’interprétation -pour ne pas parler de récupération- qu’a donné de la Commune le mouvement communiste. Même si l’Association des amis de la commune se définit elle-même comme « la plus ancienne des organisations du mouvement ouvrier français », il faut ne pas avoir lu les plus belles pages de Jules Valles appelant à l’union de « la blouse et (de) la redingote » pour identifier le peuple de la commune à une classe ouvrière d’ailleurs encore très minoritaire à Paris en 1871. C’est oublier aussi que, n’en déplaise aux épigones du barbu rhénan, la commune a plus été inspirée par les républicains radicaux et les socialistes proudhoniens que par les révolutionnaires blanquistes, qui n’était d’ailleurs pas plus marxistes que les premiers. C’est oublier le rejet initial de la violence du même Jules Valles ou de Louise Michel, contraints d’assumer de répondre à la violence par la violence.

Enfin, vouloir gommer la Commune dans nos mémoires c’est oublier ce que la République d’aujourd’hui lui doit, quand, une fois débarrassés de l’Ordre moral, les modérés puis les radicaux en ont traduit dans les grandes lois républicaines -celles dont on veut aujourd’hui renforcer les principes-, les principales utopies : l’école publique, la liberté de la presse, le droit du travail, la séparation de l’Église et de l’État, entre autres. Et oublier aussi ce que nous avons perdu en effaçant de notre mémoire un pan entier de notre tradition socialiste : les voix, et aussi les voies, d’une République plus sociale, plus démocratique, plus fédérale, plus mutuelliste, … et plus féministe.

Paris, Croulebarbe au pied de la Butte aux cailles, les 5 et 11 mars 2021

 

Un commentaire

  • 3 Cette posture republicaine moderee, impulsee par le tiers-parti conciliateur de 1871, nait avec l’amnistie de 1880 qui inscrit l’oubli dans la loi. Or, on comprend que ses herauts n’ont pas disparu dans les annees 1980-2000, qui voudraient integrer la Commune a un roman national irenique. Le jour de l’inauguration de la « place de la Commune de Paris », ou Jean Tiberi prononce l’eloge d’Adolphe Thiers, symbolise ces appropriations d’une memoire floue, toujours tiraillee entre deux extremes et qui semble intenable. 4 Les mutations de la « memoire communarde » occupent le gros du livre. On decouvre ici ce que ses premisses doivent a la pratique d’une histoire contrefactuelle. Afin d’eriger une vision glorieuse de l’insurrection, ses survivants manient l’uchronie, invention du XIX

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