Bref !, Sur le fil

Les ARS ont dix ans (« au temps du corona », 3)

L’accalmie du Covid19 a été de courte durée et la température et la fatigue ne m’ont pas permis, depuis, une semaine, de poursuivre cette chronique que j’imaginais quotidienne au départ. J’espère que l’amélioration va être durable cette fois.

Ce 1er avril, qui ne prête guère à sourire cette année, est aussi, pour un certain nombre d’entre nous, un anniversaire : celui de la création, il y a dix ans, des Agences régionales de santé, ces ARS dont on voit le rôle central qu’elles jouent dans la gestion de la crise actuelle.

Celle qu’on m’avait demandé de constituer à Lille, à l’époque pour la seule région Nord-Pas-de-Calais, a été inaugurée le 1er avril 2010, dans son tout nouveau siège, au sein de l’immeuble Onix, créé dans le cadre d’Euralille par Dominique Perrot, par Roselyne Bachelot, créatrice comme ministre de la santé des ARS et qui était devenue entre temps ministre des solidarités et de la cohésion sociale, et par Xavier Bertrand, qui lui avait succédé à la santé.

C’est l’occasion, au moment où l’action de Roselyne Bachelot dans la crise de la grippe H1N1 est heureusement réévaluée, de saluer aussi son engagement pour voir aboutir cette belle réforme qui montre aujourd’hui son intérêt.

Les ARS ont dix ans

Je ne vais pas ici tirer un bilan de cette réforme administrative inédite, qui a mis fin à la sédimentation des structures de pilotage de la santé. Claude Evin, qui a participé aussi à cette aventure, s’y est essayé pour la revue Regards de l’EN3S, et je partage, dans les grandes lignes, le bilan très globalement positif qu’il dresse de cette « forme de déconcentration régionale ».

J’aurais peut-être davantage mis en évidence certaines des limites, voir des déceptions, au regard du projet initial, notamment :

  • Les relations insuffisantes avec l’assurance maladie, dont le directeur général de l’époque s’était opposé à leur mise en place et dont les cadres alimentent de moins en moins les agences : au delà des aspects institutionnels qui ont leur importance, la réforme n’a pas permis d’aller aussi loin que ce que nous le souhaitions sur l’articulation entre régulation de la dépense et organisation du système de soin ; la question est complexe et est aussi le reflet d’un investissement intellectuel insuffisant sur ces questions.
  • Une autonomie moins grande que ce qu’imaginaient les promoteurs de la réforme de ces établissements publics, qui, par la force de choses se sont parfois retrouvés assimilés à des services extérieurs de l’État, tant par certains préfets, qui n’étaient pas tous favorables à la réforme, que par les autorités centrales : la notion de déconcentration est finalement orthogonale avec la tradition centralisatrice française, probablement parce qu’elle suppose une relation de confiance qui n’est pas dans les fondements théoriques de notre organisation administrative. Il faut probablement y voir la raison du caractère inachevé de cette déconcentration, et notamment l’abandon du projet d’une Agence nationale de santé assurant la coordination de l’ensemble des ARS.
  • Un investissement insuffisant dans la prévention et plus généralement dans l’action sur les déterminants de santé, notamment sociaux et environnementaux, et dans l’éducation à la santé, principalement du fait des régulations budgétaires.

Tout cela mériterait de plus longs développements, non pour régler des comptes, mais pour faire évoluer les ARS pour en faire les acteurs d’une nouvelle politique de santé dont la crise en cours montre l’urgence de la redéfinition, et qui devra, plus encore, reposer sur une approche territorialisée.

En attendant, et pour revenir au contexte de la crise sanitaire actuelle, les ARS montrent, quelles que soient les critiques dont elles ont pu être l’objet, l’utilité de leur existence pour assurer la veille sanitaire, qui a fait des progrès considérables avec leur création, pour coordonner les différents intervenants, reconvertir en urgence des capacités de réanimation…. La crise est difficile à gérer pour de multiples raisons sur les quelles je reviendrai. Elle le serait bien davantage si les ARS n’existaient pas.

 

Paris, Croulebarbe, le 1er avril 2020, 16éme jour de confinement, 14ème jour de Covid19.

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