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Pourquoi une commission parlementaire d’enquête sur les crimes pédophiles au sein de l’Église catholique ?

Finalement la demande de commission d’enquête parlementaire sur les crimes pédophiles au sein de l’Eglise catholique portée par Témoignage Chrétien, et présentée par le groupe socialiste au Sénat, a été déclarée irrecevable le 17 octobre par la commission des lois du Sénat, par 27 voix contre, 14 pour et 4 abstentions. Normalement, cette commission aurait du uniquement se prononcer sur la recevabilité juridique, et non en opportunité, puisque la demande était imputé sur le « droit de tirage » annuel du groupe socialiste. 

Décision surprenante, et même choquante, car aucun des arguments juridiques invoqués ne résiste à l’analyse, comme le démontre le mémorandum que je publie aujourd’hui, et qui avait été adressé la veille aux membres de la commission, après avoir été communiqué aux présidents de groupes : ni la restriction à la seule Eglise catholique, ni le champ de compétence des commissions parlementaires, ni l’existence de procédures judiciaires en cours (les sénateurs ont eu moins d’états d’âme sur l’affaire Benala !), ni le principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat. C’est une sorte de « déni de vérité » qu’a opposé la majorité sénatoriale à cet appel soutenu par 88 % des français (et 90 % des catholiques pratiquants.

Pourquoi une commission parlementaire d’enquête sur les crimes pédophiles au sein de l’Église catholique ?

Origine de l’appel

L’appel à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les crimes de pédophilie dans l’Église catholique , porté par Témoignage Chrétien , a été lancé par des chrétiens, catholiques pour la plupart d’entre eux, face à la fin de non-recevoir de l’épiscopat à la demande répétée de mettre en place une commission indépendante permettant de faire la vérité et la transparence sur la situation réelle de la pédophilie dans l’institution ecclésiale (comme l’a d’ailleurs demandé le pape dans sa lettre du 20 août dernier ).

Certes, une commission, présidée par un conseiller d’État honoraire, a été mise en place par l’épiscopat en 2016, mais son rôle est uniquement d’aider chacun des évêques à gérer les situations dans son évêché et le rapport qu’elle a, semble-t-il, élaboré est resté destiné à eux seuls, bien qu’elle ait bénéficié d’informations issues des procédures judiciaires closes : quelle que soit son utilité elle ne vise donc, ni à faire la vérité, ni à assurer la transparence. Il n’y a d’ailleurs pas eu de communication publique sur le travail de cette commission depuis sa mise en place.

Un travail de cette nature a pourtant été réalisé dans de nombreux pays. Quelle qu’en soit la forme, il a été fait dans le cadre de commissions indépendantes dont l’initiative n’est pas venue des Églises concernées, sauf en Allemagne où les membres ont d’ailleurs regretté de n’avoir pas eu accès à tous les documents. Aux État Unis (Grand Jury de Pennsylvanie – initiative de la Justice), en Australie (Commission Royale – initiative gouvernementale), en Allemagne (Commission indépendante d’universitaires), en Irlande (Commission Ryan – initiative gouvernementale). Dans une déclaration récente l’archevêque de Montréal a lui-même appelé à la mise en place d’un « audit externe ».

L’appel lancé par Témoignage Chrétien est aujourd’hui signé par près de 30 000 personnes. Un sondage réalisé par Odoxa a révélé que cette initiative était soutenue par 88 % de nos concitoyens, et à 90 % par les catholiques pratiquants . Il ne s’agit donc en aucun cas d’une offensive contre l’Église catholique, mais du souci, partagé par l’immense majorité des catholiques du pays, de faire la vérité et la transparence, face à l’inquiétude qui les touche plus particulièrement et parmi eux les pratiquants et à la suspicion qui, aujourd’hui, atteint la totalité des clercs. Il s’agit aussi et plus encore de répondre à la demande des victimes, dont la parole a été muselée pendant trop de temps, comme en attestent les témoignages associés à certaines signatures de l’appel .

Pourquoi se limiter à l’Église catholique ?

Bien sûr la pédophilie est un acte abominable, qui se pratique dans d’autres institutions que l’Église catholique, y compris et notamment à l’intérieur de la famille, et les études réalisées sur le sujet laissent à penser que c’est là que la prévalence est la plus importante. Mais, de ce fait, une commission d’enquête générale sur la pédophilie aurait une visée sociétale qui va bien au-delà du champ d’une commission d’enquête (un « fait déterminé ») et relève d’autres moyens d’investigation et sur une plus longue durée (parlementaire en mission par exemple). Il en serait de même si on se limitait à élargir le champ à l’ensemble des institutions qui accueillent des enfants et des adolescents. De surcroît la possibilité de telles investigations se heurterait à leur caractère limité dans le temps dans le cadre d’une commission d’enquête. En revanche, rien n’empêcherait évidemment le Parlement d’examiner la situation dans d’autres institutions s’il se révélait au cours des travaux qu’elles sont sujettes aux mêmes dérives ou à des dérives analogues.

A contrario, la demande vise à éclairer la question de la spécificité de la pédophilie dans l’Église catholique, qui constitue bien un « fait déterminé », ne serait-ce que par son exposition médiatique actuelle, y compris à en mesurer l’ampleur réelle et, ce faisant, à éviter que le soupçon ne pèse sur l’ensemble des clercs. Elle est également motivée par le type d’autorité sur laquelle se sont appuyés les auteurs d’actes pédophiles dans l’Église catholique et sur la dissimulation dont ces actes ont fait (et font peut-être encore) l’objet pendant longtemps. Il s’agira à cet égard de mesurer s’il y a une prévalence particulière de la pédophilie dans l’Église catholique, ce que laisse à penser aujourd’hui la révélation régulière et médiatisée d’affaires en France et dans le monde entier, alors que ce n’est pas certain, comme l’objectent d’ailleurs certains commentateurs.

Or toutes les commissions qui se sont réunies de par le monde ont mis à jour des comportements criminels de grande ampleur couverts par les plus hautes autorités épiscopales. La France échappe peut-être à ce phénomène, mais personne n’en sait rien. Le silence de l’Église de France attise les interrogations au lieu de les apaiser. Il est donc essentiel de savoir si elle a couvert au fil des années, des actes criminels et à quelle hauteur. Il est tout aussi essentiel de savoir si des fonctionnements propres à l’institution ont autorisé, encouragé ou favorisé, même inconsciemment, de telles pratiques et, a fortiori, si c’est encore le cas.

Le sujet entre-t-il bien dans le champ de compétence des commissions d’enquête ?

On peut aussi opposer à la demande qu’elle ne relève pas du champ de compétence des commissions d’enquête en considérant qu’il ne s’agit ni d’une politique publique, ni d’un service public [1].

Certes l’Église catholique n’est pas un service public (même si elle peut y être assimilée en Alsace Lorraine sous le régime du concordat), mais elle exerce de nombreuses missions de service public, notamment sa participation à l’enseignement, ou d’intérêt général, notamment à travers les mouvements d’éducation (scoutisme, action catholique, etc.…) et c’est souvent dans ce cadre que des actes de pédophilie ont été commis. Elle bénéficie d’ailleurs à ce titre de crédits publics, principalement sur le budget de l’État et sur celui de la branche famille de la Sécurité sociale. Plus globalement c’est au titre de ses missions d’intérêt général qu’elle bénéficie des déductions fiscales qui sont faites à ses donateurs (denier du culte, chantiers du cardinal…).

Surtout, la question posée par les crimes de pédophilie dans l’Église catholique concerne directement plusieurs politiques publiques.

La première est évidemment la politique juridictionnelle, puisque les règles internes à l’Église catholique comme les comportements induits chez les victimes par l’autorité des clercs ont fait obstacle pendant longtemps au bon fonctionnement de la justice, à tel point qu’aujourd’hui nombre de faits sont prescrits. Il est important non seulement de tirer les conclusions de cette situation, mais surtout de vérifier qu’il n’y a plus d’obstacle à la manifestation de la vérité et à ce que les auteurs des crimes soient jugés ainsi que ceux qui s’en rendent complices. C’est ce type de préoccupation qui avait conduit à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire dans « l’affaire d’Outreau ».

La deuxième est la possibilité d’exercer cette liberté fondamentale qu’est la liberté religieuse, qui est au cœur de la laïcité et de la politique des cultes qu’elle inspire au sein de la République. La suspicion dont sont l’objet les clercs constitue aujourd’hui une restriction réelle à l’exercice de cette liberté d’exercice du culte par les catholiques et par leurs enfants. La transparence est une condition de rétablissement de la confiance sans laquelle aucune institution, y compris religieuse, ne peut fonctionner correctement. A contrario, il est nécessaire pour que cette liberté s’exerce dans des conditions qui respectent le principe de liberté pour les personnes d’analyser les risques de dérives auxquelles peuvent parfois conduire les institutions religieuses, comme cela avait été fait pour les dérives sectaires, notamment dans le domaine de la santé , ou pour les dérives radicales pour l’islam abordées à l’occasion des enquêtes sur l’État islamique.

La troisième est celle de la politique éducative. L’Église catholique participe par nombre de ses activités à la politique éducative, soit au titre de l’Éducation nationale, soit au titre des activités éducatives. Là aussi, la suspicion dont est désormais l’objet une partie importante de ses responsables nuit au bon exercice de cette participation, comme l’a souligné récemment un mouvement important comme les Scouts et guides de France .

Y a-t-il des risques d’interférence avec les procédures judiciaires en cours ?

À l’occasion de l’affaire « Benala », on a vu que l’existence de procédures judiciaires en cours ne faisait pas obstacle à ce qu’une commission d’enquête parlementaire soit mise en place, sur les mêmes faits , dès lors qu’elle examinait des faits détachables des procédures pénales [2]. C’est bien davantage encore le cas pour les crimes de pédophilie : il ne s’agit évidemment pas d’examiner les situations qui font l’objet de poursuites judiciaires en cours, mais d’assurer la transparence sur l’ensemble du système qui, comme l’a souligné le pape lui-même, a permis que la situation actuelle se mette en place et se maintienne dans la durée.

La commission pourra aussi s’appuyer dans ses investigations sur les affaires qui ont été jugées, mais aussi sur celles qui ont été prescrites, comme a pu en bénéficier la commission mise en place par l’épiscopat. Elle pourra surtout analyser les mécanismes institutionnels qui ont conduit à cette situation. Elle pourra enfin transmettre à la justice les faits qui lui seraient révélés et qui ne l’auraient pas été. À ces différents titres, il est sûrement utile qu’elle puisse faire usage de la possibilité d’auditions sous le régime du secret.

Y a-t-il remise en cause du principe de séparation de l’Église et de l’État ?

L’argument du principe de laïcité a également été opposé à la mise en place d’une telle commission d’enquête au motif qu’elle risquerait d’empiéter sur des affaires internes à l’Église catholique. Cet argument n’est pas non plus recevable.

La commission n’est pas là pour porter une appréciation sur des affaires de nature religieuse. Mais avant d’être un péché et de relever à ce titre du droit canon, la pédophilie est d’abord une affaire pénale. Au contraire, une telle initiative relève d’un des principes qui est au cœur de la laïcité : celui de la suprématie de la loi civile, la loi commune de la République, sur les lois internes à chaque communauté religieuse. Ce principe a été réaffirmé récemment, et à juste titre, face à certaines tentations d’inverser la hiérarchie entre les normes communes et les normes communautaires, par exemple dans la pratique salafiste de l’islam .

Sans empiéter sur les questions internes à l’Église catholique ni sur la séparation des pouvoirs, et sans préjuger de ses conclusions, la commission pourra aussi en tirer des conséquences dans le travail législatif du parlement, mais aussi dans des recommandations au pouvoir exécutif et au pouvoir judiciaire, comme dans des recommandations à destination des responsables de l’Église catholique elle-même.

S’agissant du pouvoir législatif et réglementaire, si le principe de laïcité s’oppose à ce que l’État intervienne dans les affaires internes aux différentes confessions religieuses, il lui appartient de fixer le cadre légal dans lequel s’exerce la liberté de religion et de culte de façon à ce qu’elle ne contrevienne pas à l’ordre public, comme l’ont d’ailleurs fait dans le passé les lois de 1901 et de 1905 et celles qui les ont suivies. Rien ne s’opposerait donc à ce que, sous le contrôle du juge constitutionnel ou administratif garant des libertés, des conclusions de nature juridiques, législatives ou réglementaires, permettant de prévenir certaines dérives soient tirées de ces travaux.

S’agissant des recommandations, et compte tenu de la durée limitée dans le temps de la commission d’enquête (six mois), rien n’interdirait non plus à une telle commission de faire des préconisations pour qu’une instance permanente soit mise en place pour poursuivre le travail de vérité et de transparence engagé, au bénéfice des victimes, des parents et de l’Église catholique elle-même, s’il s’avérait que le temps imparti a été trop court pour cela.

Paris, le 14 octobre 2018

 

[1]  Donnant ainsi raison à certains commentaires de la doctrine : « Enfin, la réécriture des textes rendue nécessaire par cette disposition a donné l’occasion, qui ne fut hélas pas saisie, de supprimer un interdit absurde. Sous prétexte de séparation des pouvoirs, les commissions d’enquête ne peuvent être créées lorsque des procédures judiciaires sont en cours. Il suffit donc que ces dernières soient ouvertes – voire de les ouvrir à cette fin – pour désarmer abusivement le contrôle parlementaire. Ainsi, et sauf contorsion qui n’abusent personne, le Parlement se voit empêché d’enquêter sur les sujets qui mériteraient le plus son attention. Nul doute qu’il ne saurait, comme cela se fait à l’étranger, s’abstenir d’empiéter sur les attributions de l’autorité judiciaire, tout en se livrant à un travail utile avec ses moyens et sa légitimité. » (Guy Carcassonne, Marc Guillaume)

[2] Même si cette restriction du champ des commissions parlementaires est parfois contestée par la doctrine : « Il est assez discutable d’avoir choisi de faire référence aux missions de contrôle et d’évaluation, car une commission d’enquête peut très bien se justifier sans que soient en cause ni l’action du gouvernement ni mêmes les politiques publiques. Cela dit, il serait très surprenant que la pratique limite plus que nécessaire le champ ouvert à ces investigations. » (Guy Carcassonne, Marc Guillaume « La Constitution », 2017)

 

Bases juridiques

Constitution :
Article 24 :
« Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. Il comprend l’Assemblée nationale et le Sénat. »

Article 51-2 :
« Pour l’exercice des missions de contrôle et d’évaluation définies au premier alinéa article, des commissions d’enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d’information.
La loi détermine leurs règles d’organisation et de fonctionnement. Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée. »

Ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
Article 6 :
« I – Outre les commissions mentionnées à l’article 43 de la Constitution seules peuvent être éventuellement créées au sein de chaque assemblée parlementaire des commissions d’enquête ; les dispositions ci-dessous leur sont applicables.
Les commissions d’enquête sont formées pour recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée qui les a créées.
Il ne peut être créé de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter.
Les membres des commissions d’enquête sont désignés de façon à y assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques.
Les commissions d’enquête ont un caractère temporaire. Leur mission prend fin par le dépôt de leur rapport et, au plus tard, à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de l’adoption de la résolution qui les a créées. Elles ne peuvent être reconstituées avec le même objet avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la fin de leur mission.
II — (…)
Les rapporteurs des commissions d’enquête exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l’exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs.
Toute personne dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. À l’exception des mineurs de seize ans, elle est entendue sous serment. Elle est, en outre, tenue de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Les dispositions du troisième alinéa de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lui sont applicables.
(…)
III. La personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d’enquête est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
Le refus de communiquer les documents visés au deuxième alinéa du II est passible des mêmes peines.
Dans les cas visés aux deux précédents alinéas, le tribunal peut en outre prononcer l’interdiction, en tout ou partie, de l’exercice des droits civiques mentionnés à l’article 131-26 du code pénal, pour une durée maximale de deux ans à compter du jour où la personne condamnée a subi sa peine.
En cas de faux témoignage ou de subornation de témoin, les dispositions des articles 434-13,434-14 et 434-15 du code pénal sont respectivement applicables.
Les poursuites prévues au présent article sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du bureau de l’assemblée intéressée.
IV.- Les auditions auxquelles procèdent les commissions d’enquête sont publiques. Les commissions organisent cette publicité par les moyens de leur choix. Toutefois, elles peuvent décider l’application du secret ; dans ce cas, les dispositions du dernier alinéa du présent article sont applicables.
Les personnes entendues par une commission d’enquête sont admises à prendre connaissance du compte rendu de leur audition. Cette communication a lieu sur place lorsque l’audition a été effectuée sous le régime du secret. Aucune correction ne peut être apportée au compte rendu. Toutefois, l’intéressé peut faire part de ses observations par écrit. Ces observations sont soumises à la commission, qui peut décider d’en faire état dans son rapport.
L’assemblée intéressée peut décider, par un vote spécial et après s’être constituée en comité secret de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport d’une commission d’enquête.
Sera punie des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal toute personne qui, dans un délai de vingt-cinq ans, sous réserve des délais plus longs prévus à l’article L. 213-2 du code du patrimoine, divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d’une commission d’enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information. »

Règlement du Sénat
Article 11 :
« La création d’une commission d’enquête par le Sénat résulte du vote d’une proposition de résolution, déposée, renvoyée à la commission permanente compétente, examinée et discutée dans les conditions fixées par le présent Règlement. Cette proposition doit déterminer avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d’enquête doit examiner la gestion. Lorsqu’elle n’est pas saisie au fond d’une proposition tendant à la création d’une commission d’enquête, la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale est appelée à émettre un avis sur la conformité de cette proposition avec les dispositions de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958, modifiée, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires. La proposition de résolution fixe le nombre des membres de la commission d’enquête, qui ne peut comporter plus de vingt et un membres. »

 

2 commentaires

  • Bonjour,

    Tous les actes criminels relèvent de la justice pénale. Une commission parlementaire n’étant pas un tribunal pénal, une enquête portant spécialement sur le fonctionnement interne de l’Église aurait été une ingérence inacceptable du pouvoir politique, non dans les « affaires » de l’Église car elle ne fait pas d’affaires, mais dans son organisation.

    L’Église n’exerce absolument pas de mission de service public et elle ne le peut pas car depuis 1905 elle n’est pas reconnue comme une personne morale. Toutes les œuvres que vous citez et qui selon vous reçoivent des subventions sont juridiquement des associations loi de 1901 donc des personnes privées mais ce n’est pas l’Église en tant que telle. Parler de mission de service public pour l’Église, pourquoi pas, mais c’est retourner avant 1905.

    L’argument selon lequel la perte de confiance dans les clercs, certes réelle, serait une restriction à la liberté religieuse est spécieux : ce n’est pas le rôle de l’État de restaurer la confiance dans une religion quelle qu’elle soit.

    Oui il y aurait atteinte au principe de séparation. Évidemment que la loi pénale doit s’appliquer à tous, mais encore une fois ce n’est pas le sujet. Pour autant on ne peut pas parler de « suprémacie » de la loi civile. Il n’y a pas de hiérarchie entre droit canonique et droit pénal, les deux coexistent et se complètent. Le droit canonique propre à l’Église n’a aucune prétention suprémaciste contrairement à la charia. Et il ne traite pas des seuls « péchés », vous confondez le droit et la morale.

    De tout temps et partout l’État a rêvé de mettre la main sur les religions, mais ce n’est pas son rôle. L’État n’a pas à se mêler de l’organisation interne des religions. Il doit préserver la liberté religieuse et non « l’encadrer » ce qui n’est qu’une manière de dire qu’on va la restreindre. Il doit réprimer les troubles à l’ordre public mais ce n’est pas ici le sujet. Le problème de l’Islam est tout autre car il s’agit d’une idéologie politique et théocratique, qui là, oui, mérite d’être qualifiée de suprémaciste.

    Cordialement,
    @Sylaene

    • Bonsoir,

      Je publie votre commentaire, bien qu’il soit courageusement anonyme (car je doute que ce soit le pape Pie II dont c’est le nom de plume qui, à travers les siècles, s’exerce avec moi à la disputatio juridico-théologique). Outre le fait que, sauf quand il s’agit de réclamations individuelles, j’ai pris l’engagement vis à vis de moi même de les publier et que vous avez fait l’effort, sinon de lire mon papier, du moins d’y répondre, il est une illustration des sophismes qui ont conduit la commission des lois du Sénat à sa décision, comme aussi des dérives auxquelles une certaine idée du catholicisme et de la laïcité peuvent conduire.

      1. Les victimes, comme d’ailleurs les citoyens, au premier rang desquels les catholiques pratiquants qui soutiennent à 90 % notre démarche, ont besoin de justice, mais aussi de vérité ; or la vérité judiciaire, la vérité pénale, n’est qu’une des dimensions de la vérité ; il ne s’agit pas d’un appel à l’ingérence du pouvoir politique dans les affaires religieuses (comme en son temps l’empereur Constantin convoquait un concile pour trancher des « vérités » de foi), mais d’un appel à la représentation nationale pour faire la vérité sur le pourquoi de telles dérives qui ne sont pas le seul résultat de comportements individuels, relevant eux de la justice pénale.

      2. L’Eglise dont vous parlez est un concept théologique, et pour tout dire ecclésiologique, qui « s’incarne », si j’ose dire, dans des « réalités » juridiques, et donc pour l’église catholique comme pour les autres, des personnes morales, en France, comme au niveau mondial. En France ce sont les associations diocésaines mises en place après le refus par l’épiscopat des associations prévues par la loi de 1905, mais aussi toutes les associations, et elles sont nombreuses, qui donnent à cette église son existence juridique dans la société des hommes (et des femmes). Toutes ces structures bénéficient de fonds publics ou de déductions fiscales, et exercent pour certaines d’entre elles des missions d’intérêt général, voir, s’agissant de l’enseignement, de service public. Au niveau mondial, l’église catholique s’incarne bien, et c’est la seule, dans une Etat, celui du Vatican, avec ses lois propres et sa diplomatie, voire ses « affaires » qui ont parfois défrayé la chronique.

      3. Je « confesse » (là encore si j’ose dire) que l’argument de l’atteinte à la liberté religieuse, comme liberté réelle, que constitue la perte de réputation des clercs catholiques est, non pas spécieux, mais contestable. Mais sociologiquement, sinon juridiquement, il n’en reste moins vrai. Surtout, il est clair qu’il est de la responsabilité de la République d’éviter les dérives auxquelles peuvent conduire l’exercice de cette liberté sur les consciences, comme en matière de santé pour les sectes, ou de radicalisation pour l’islam. Le regard de la République, qui n’est pas une ingérence, reste comme c’était l’inspiration de Millerand ou de Jaurès, une condition de l’exercice de la liberté religieuse, qui est la liberté de croire, ou de ne pas croire, dans la religion de son choix.

      4. Bien sûr la laïcité emporte la suprématie (pas la suprémacie, je suppose que le lapsus scriptae révèle votre adhésion, votre adhérence, à d’autres thèses) de la loi civile sur la loi religieuse, qui ne peut s’appliquer qu’à ceux qui en font le choix, libre et conscient. Le refus du Vatican de répondre à la convocation d’un de ses prélats dans le procès Barbarin montre la limite de votre raisonnement : le droit
      canon, qu’évidemment je ne confonds pas à la morale (le péché n’est pas une notion morale, mais religieuse, me semble-t-il), est opposé au droit des gens, dans une conception où il lui est supérieur. Ce qui est contraire au principe de laïcité.

      5. Votre dernier propos sur l’islam (et non sur l’islamisme, car dans ce cas j’aurais pu être d’accord) montre bien que votre souci est moins la liberté religieuse et la laïcité que de promouvoir le suprémacisme du catholicisme qui a été (hélas, pendant une longue période de son histoire, et reste pour certains de ses adeptes, ceux qui ont refusé les avancées de Vatican 2 notamment), une « idéologie politique et théocratique » (comme l’islamisme d’ailleurs).

      Cordialement.

      Daniel Lenoir

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