Dans une tribune sur Facebook, en date du 19 avril 1 le Premier ministre, Manuel Valls, a salué la formidable innovation qu’a constituée la prime d’activité. Même si la branche famille à été un peu victime de son succès à cette occasion, avec une surcharge que nous avions d’autant moins anticipée que le succès de la prime à été beaucoup plus rapide que ce que beaucoup pensaient, l’ensemble des Caf ont démontré leur capacité à mettre en oeuvre rapidement une nouvelle prestation, en utilisant au maximum le potentiel du numérique, pour favoriser l’accès au droit. Comme je l’avais indiqué au moment où j’ai pris mes fonctions 2 nous sommes en train de mettre en place l’équivalent de Sésame Vitale, pour la branche famille.
Le succès du dispositif a toutefois révèlè des points de fragilité. Il a suscité aussi, dans la plupart des caisses, un surcroît d’activité à un moment où traditionnellement la charge est lourde. Cela a pu susciter des tensions, des inquiétudes, voir des incompréhensions. Mais une fois résorbée cette bosse d’activité d’ailleurs prévisible, mais que la mission Igas/IGF chargée d’évaluer cette charge avait largement sous estimée 3, il sera nécessaire de renforcer ce dispositif, pour la prime d’activité, et de l’étendre à d’autres prestations.
Une révolution sociale, numérique et administrative
Révolution sociale, la prime d’activité a su rapidement trouver son public. Cela est sans aucun doute lié au caractère novateur de cette nouvelle prestation, qui a su tirer les conclusions des échecs et des limites des prestations qui l’ont précédée et auxquelles elle s’est substituée : le RSA activité d’une part, avec son taux de recours particulièrement faible (un tiers) la prime pour l’emploi d’autre part, avec une attribution tardive et donc souvent inéquitable.
Mais cette révolution sociale n’aurait sans doute pas eu lieu si elle n’avait été associée, selon les termes mêmes du Premier ministre, à une révolution administrative et numérique ; ce que j’avais résumée par le slogan « 100% dématérialisé, 100% personnalisé ». J’aimerais ajouter « 100% sécurisée et 100% décarbonée », même si sur ces deux sujets on est encore loin du compte, malgré les progrès notables qui ont été faits.
100% dématérialisé
Le lancement de la prime d’activité a fait mentir ceux qui pensaient que la dématérialisation allait constituer un frein supplémentaire à l’accès au droit. Puisque nous avons, au bout d’un trimestre, atteint le taux de recours de 50% qui était prévu pour la fin de l’année, ce qui laisse envisager d’atteindre, voire de dépasser, un taux de recours deux tiers à la fin de l’année.
Cela a été rendu possible grâce à une grappe d’innovations attachée à l’informatisation de la prestation associant un simulateur, une téléprocedure simple et un dispositif de liquidation automatique.
Avec près de 13 millions de simulations depuis son lancement fin décembre, le simulateur a démontré son intérêt pour faire la pédagogie d’une prestation, elle même très personnalisée, puisque de nombreux paramètres interviennent dans son calcul, et donc de jouer son rôle dans la promotion de l’accès au droit. Mais aussi de premier filtre pour éviter le dépôt de dossiers inutiles.
Avec 95% de dossiers dématérialisés, la téléprocedure, conçue avec des allocataires, les associations et des techniciens des caisses, à constitué un élément essentiel de la simplification et du succès de la montée en charge de la prestation. La cinématique des écrans, comme l’absence de pièces justificatives, a permis d’en faire un réel facteur d’accès au droit.
Enfin le processus de liquidation à permis de traiter automatiquement près de 50 % des dossiers de demandes. Bien sûr on est encore loin des 80% annoncés à tort par les inspections générales en août, et cela explique en grande partie l’augmentation du délai de traitement dans les caisses au cours du premier trimestre, et surtout au début du 2ème trimestre ; mais, a contrario, ce dispositif a permis de gagner en productivité l’équivalent de 400 ETP, et la situation aurait été bien plus grave sans cela.
100% personnalisé
La prime d’activité est, dans sa conception, une prestation très personnalisée, puisqu’elle tient compte de nombreux paramètres. Ce qui n’en fait pas, à proprement parlé, une prestation simple. La dématérialisation des procédures a permis de rendre simple l’accès à cette prestation, mais cela supposait de permettre l’accès au numérique. C’est ce qui a été fait avec le développement des espaces d’accueil numérique dans les caisses, comme des points d’accueil numériques chez nos partenaires. Accueil numérique c’est à dire accès à un ordinateur bien sûr, mais aussi à un accompagnement pour ceux qui ne maîtrisent pas bien l’outil numérique. De ce point de vue la politique d’accueil développée à l’occasion de la mise en place de la prime d’activité s’inscrit délibérément dans une volonté d’inclusion numérique, nécessaire pour que la révolution numérique ne soit pas un facteur d’exclusion supplémentaire, mais au contraire un moyen de lutter contre l’exclusion, notamment par un accès plus facile au droit.
Mais la personnalisation ne se limite pas à l’accueil numérique. Au cours des dernières années la politique d’accueil des Caf s’est recentrée sur l’accueil sur rendez vous, avec notamment les rendez vous des droits qui permettent de faire un point complet sur la situation de l’allocataire, notamment avec ceux qui ont le plus de difficultés pour faire valoir leurs droits. Politique qui a été plébiscitée par le public : nous nous étions engagés à faire 100 000 rendez-vous des droits par an dans le cadre de la convention d’objectif et de gestion et avons dépassé 230 000 en 2015.
Ces rendez-vous des droits permettent de faire le point sur l’ensemble des droits et de rendre d’avantage autonome les allocataires dans leurs démarches.
Avec les accueils numériques, les rendez-vous devront aussi permettre aux allocataires qui ont des difficultés avec le numérique d’être d’avantage autonome.
100% sécurisé
L’un des principaux problèmes de la branche Famille porte sur la qualité des informations qui servent au calcul de la prestation. Quand ces informations sont volontairement fausses, il s’agit de fraude 4. Mais une grande partie de ces erreurs ne sont pas volontaires, elles conduisent à ne pas payer à « bon droit », ce que la Cour des comptes souligne depuis plusieurs années à l’occasion de la certification des comptes de la branche famille.
La suppression des justificatifs papiers par des télédéclarations n’augmente pas ce risque d’erreur ou de fraude. Mais il ne le diminue pas non plus. En revanche le développement de la liquidation automatique permet d’éviter des erreurs au moment de la saisie. La seule façon de diminuer ce risque, c’est de récupérer ces informations sur les ressources auprès du tiers payant. Ce qui sera bientôt possible, par exemple, pour les salaires avec la généralisation de la DSN (déclaration sociale nominative), mais que l’on pourrait développer pour les indemnités journalières versées par l’assurance maladie, les allocations chômage versées par Pôle-emploi, notamment.
Les dispositifs d’acquisition des données directement auprès du tiers-payeur pourraient être généralisés à l’ensemble des ressources, comme cela a été fait en Belgique avec la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale 5.
Ce serait à la fois un élément de sécurité pour les paiements, mais aussi un élément de simplification considérable pour les allocataires puisqu’ils n’auront plus à aller retrouver et ressaisir une information qui est disponible ailleurs.
Une procédure qui limite l’émission du gaz à effet de serre
La principale source d’émission de gaz à effet de serre d’un organisme de Sécurité Sociale, ce sont les déplacements des allocataires. Nous avons ainsi calculé que la mise en œuvre à 100% dématérialisé faisait économiser dans ce domaine l’équivalent de 2500 tours du monde en avion de ligne.
Bien sûr, on l’a eu plus haut, il ne s’agit pas de supprimer la totalité des déplacements, mais de supprimer les visites inutiles pour les Concentrer, comme avec les rendez-vous des droits, sur les rendez-vous à lourde valeur ajoutée sociale. Mais on voit que par-là, la politique de dématérialisation permettra de contribuer aux objectifs de la Cop 21. Surtout si parallèlement nous diminuons l’effet sur l’atmosphère de nos data center. Ce que nous avons fait depuis, puisqu’a l’occasion du passage en « open source », nous sommes en train de le diminuer par trois.
On le voit, le dispositif mis en place avec la prime d’activité ouvre la voie à une modernisation considérable de la gestion de la protection sociale, le début d’une « révolution numérique et administrative ».
Paris, le 10 juin 2016