In memoriam, Sur le fil

Les 25 ans de la médiation à la MSA (pour une Sécurité sociale à visage humain).

A l’initiative de Jean-Marie Marx, j’étais invité ce mercredi pour célébrer, à l’occasion de la première réunion des présidents et premiers vice-présidents de caisses récemment élus, les 25 ans de la médiation qu’avec Jeannette Gros nous avions mise en place en l’an 2000. Je reprends ici mon intervention pour expliquer l’origine et la sphéricité de ce dispositif qui reste original dans le domaine de la sécurité sociale. 

La création de la Médiation à la MSA en l’an 2000, c’est le résultat de la rencontre entre un contexte et une opportunité.

Le contexte c’est celui de la MSA en 1998, quand Jeannette Gros en a pris la présidence et moi la direction générale. Cela faisait suite au scandale de la Caisse centrale révélé par un rapport de la Cour des comptes et qui avait conduit à la nomination d’un administrateur provisoire, Christian Babusiaux, ma nomination après le départ de l’ancien directeur général, Serge Avoine, et l’élection d’un nouveau conseil d’administration avec à sa présidence Jeannette Gros après la démission de l’ancien. Dès le début de l’année 1998 nous avons été confrontés à un mouvement séditieux de refus du paiement des cotisations, attisé par la CDCA, (ancien Comité de Défense des Commerçants et Artisans devenu en 1990 la Confédération de Défense des Commerçants, Artisans, Agriculteurs et Professions Libérales) avec prés d’une caisse sur deux qui ont fait l’objet d’une action violente. La présidente de la Caisse centrale a elle-même fait l’objet de tracts injurieux, et, deux ans après,  a même , avec le directeur  de la caisse du Doubs dont elle était présidente, été attaquée pour escroquerie (sic !) pour avoir  exigé le paiement de cotisations, par un agriculteur qui prétendait que la caisse n’existait pas (resic !).

Outre l’action de mouvements séditieux de remise en cause de la sécurité sociale qui instrumentalisaient les « scandales » de la caisse centrale, ce mécontentement s’appuyait aussi sur une application parfois sans discernement d’une législation sociale agricole elle-même parfois incohérente. C’est ainsi que le journal La France agricole avait, selon mon souvenir à la fin de l’année 1998, titré un courrier des lecteurs du frappant « La MSA fait payer les morts ! », au motif que les cotisations étant dues pour l’année entière, elles étaient réclamée y compris à celui qui décédait au début de l’année.

Face à cette situation nous avons défini une double attitude :

  • une attitude de fermeté vis à vis de ceux qui se livraient à des actes violents et nous avons déposé plainte systématiquement contre les actions séditieuses. C’est ainsi que quelques années plus tard, l’agriculteur qui avait envoyé la présidente et le directeur de la Caisse du Doubs devant les tribunaux a été condamné pour dénonciation calomnieuse ;
  • une attitude d’écoute vis à vis du mécontentement agricole pour essayer de comprendre ce qui pouvait le justifier; c’est ainsi que nous avons tenu une réunion avec le comité de rédaction de la France agricole, pour échanger avec les journalistes sur les problèmes posés par l’application de la législation sociale agricole. C’est cette deuxième attitude qui nous a conduit à imaginer un système de médiation pour améliorer les relations entre les caisses de MSA et leurs ressortissants.

L’opportunité c’est un rendez-vous avec Louis Goupilleau, à l’époque directeur général de l’APCA, qui devait prendre prochainement sa retraite, et était venu me présenter son projet de développer une activité de médiation à laquelle il s’était formé auprès de Jean-François Six, théologien reconnu pour ses travaux sur le sujet (nous ne savions pas à l’époque qu’il serait aussi mis en cause plus tard pour abus sexuels) . Quand je lui ai parlé de notre projet de médiation MSA, il m’a signalé l’opposition de celui-ci aux dispositifs de médiations institutionnelles. C’est cet échange qui nous a conduit à mettre en place une médiation indépendante  pour concilier, en quelque sorte, les contraires : une médiation institutionnelle certes mais non soumise à l’autorité de l’institution.

Cette indépendance reste une des spécificités de la méditation MSA. Certes la loi dite « Essoc » -« pour un État au service d’une société de confiance »- du 10 août 2018 a étendu la médiation à l’ensemble des organismes de sécurité sociale, mais n’a pas retenu ce principe d’indépendance, contrairement à ce que je voulais faire pour la branche famille et aux préconisations  visant à « assurer l’indépendance des médiateurs sans les couper de leur administration » du rapport « Médiation accomplie ? Discours et pratiques de la médiation entre citoyens et administrations » rédigé par Daniel Agacinski et Louise Cadin pour France Stratégie en 2019. La médiation MSA a d’ailleurs du faire l’objet d’un article spécifique du Code rural (Article L. 723-34-1) différent de celui du code de la Sécurité sociale (Article L. 217-7-1) pour maintenir cette spéficité.

Autre principe, qui rejoint d’ailleurs une autre recommandation de ce rapport (« Faire du Défenseur des droits la « tête de réseau » des médiateurs publics »), dès sa création la médiation MSA s’est inscrite dans l’action du Médiateur de la République, à l’époque Bernard Stasi, avec qui un  protocole d’accord a été signé dès 2000. Cette compétence a été aujourd’hui reprise par le Défenseur des droits, depuis 2020 Claire Hédon, présente à l’occasion de ces 25 ans.

Troisième principe et ce n’est pas le moindre, tout autant que la médiation dans les litiges individuels, le médiateur de la MSA doit aussi rendre un rapport annuel qui, dans mon esprit devait permettre de faire évoluer la législation sociale agricole et son application (je regrette à ce propos que l’article du code rural qui confirme cette création institutionnelle n’ai prévu que la transmission au conseil central de la MSA et au Défenseur des droits) et n’ai pas mentionné les ministères de tutelle (Agriculture et Sécurité sociale) et le Parlement).

Au moment où nous célébrons les 80 ans de la Sécurité sociale,  avec la médiation, la MSA reste engagé, comme elle l’est en mettant en œuvre la plan de prévention du mal-être en agriculture auquel j’ai eu l’honneur de consacrer la dernière année de ma vie professionnelle, pour promouvoir une Sécurité sociale à visage humain.

Bobigny au siège de la CCMSA, le 8 octobre 2025 

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