Lu, vu, entendu

Dieu n’est pas Dieu, nom de Dieu !

J’ai emprunté le titre de cette notule à Maurice Clavel en détournant celui de son livre « Dieu est Dieu, nom de Dieu ! » ; Maurice Clavel, qui fut résistant, après avoir été un peu pétainiste, compagnon de route du PC, gaulliste de gauche, puis après sa conversion au christianisme, maoïste, avant de mourir en 1979 en préfigurateur des nouveaux philosophes. Il y critiquait la déconstruction du christianisme par une sorte de cléricalisme de gauche inspiré du marxisme. C’est au contraire en s’inspirant du christianisme que J.S. Spong déconstruit le théisme, et l’image de Dieu qu’il inspire.

Dieu n’est pas Dieu, nom de Dieu !

Ce sont des « lettres à ceux qui cherchent », de petites épitres adressées par John Shelby Spong à ceux qui l’ont interrogé pendant seize ans sur le site ProgressiveChristianity.org. Robert Ageneau et les éditions Kathala, qu’il a créées il y a quelques quarante ans, ont souhaité publier en  français les travaux de cet évêque épiscopalien (autrement dit anglican américain) et nonagénaire. « Etre honnête avec Dieu » est le sixième de ces ouvrages, après des titres qui sont en eux-mêmes une illustration des thèmes de réflexions de cet évêque anti-fondamentaliste, comme « Sauver la bible du fondamentalisme », « La résurrection, mythe ou réalité ? » ou encore « Pour un christianisme d’avenir, ni les credo anciens ni la réforme, ne peuvent susciter une foi vivante. Pourquoi ? ». La forme du recueil de lettres conduit à de nombreuses répétitions, mais a l’avantage d’une forme de catéchèse répondant sans détours aux questions simples que se posent des croyants ordinaires.

Toutes ces réponses tournent autour de la remise en cause de la vision théiste de Dieu. Pour Spong, Dieu n’est évidemment pas un Deus ex machina, qui interviendrait miraculeusement dans l’histoire des hommes, pour les protéger des guerres ou des tsunamis, ou toute autre catastrophes d’origine naturelle ou humaine ; qui s’incarnerait en naissant dans une crèche à Bethléem d’une femme vierge de toute fécondation humaine, et que viendrait honorer trois mages venus des quatre horizons du monde ; qui retrouverait, après trois jours dans un tombeau, son corps fait d’os et de chair, et capable de se téléporter, tel les héros de « Star treck », en traversant les murs et en ignorant les distances.

Spong non seulement prend au sérieux les découvertes scientifiques qui ont remis en cause toutes les lectures littéralistes de la bible et des évangiles, mais il les intègre dans sa réflexion théologique, notamment la théorie de l’évolution, qui rend inopérante la notion de péché originel, et avec elle la vision sacrificielle de la crucifixion et d’une eucharistie qui en serait l’anamnèse.

Mais ce Dieu n’est pas non plus celui qu’on croit, quand déjà on ne croît plus tout cela. Il n’est pas une personne (a fortiori trois), ni même un être, extérieur au monde des humains. Spong montre à quel point les credo successifs ont été marqués par les conception du monde de l’époque où ils ont été édictés, mais aussi par la difficulté des humains à parler de Dieu sans projeter sur lui leur propre image. D’une certaine façon tout discours sur Dieu est déjà une caricature. Il cherche à isoler le message chrétien de la gangue qui l’entoure , cette gangue faite de la reprise de mythes ancestraux et de dogmes qui se sont sédimentés au cours des siècles. Mais pour éviter le syndrome de l’oignon, qui finit par disparaitre quand on lui a enlevé toutes ses pelures, il ne rejette pas pour autant ce que les humains ont cherché à dire de Dieu et du message chrétien dans ces mythes et ces dogmes. Il cherche juste à le retrouver.

En cherchant, comme le prophète Elie, Dieu dans la brise légère de l’élan vital, de l’espérance et de l’amour, et non dans l’ouragan, dans le tremblement de terre ou dans le feu de l’orage,  les lettres de Spong peuvent aussi inspirer la méditation de ceux qui disent Dieu dans d’autres traditions que celles du christianisme, ou qui, agnostiques ou athées, ne mettent pas le nom de Dieu sur leur expérience spirituelle.

Paris, Croulebarbe, le 27 novembre 2020

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