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Haro sur l’OMS ? (« Au temps du Corona », 5)

On s’est tellement habitué aux trumperies qu’on finirait par ne plus réagir. D’ailleurs, à l’exception de timides manifestations européennes de soutien à l’OMS comme celle d’Emmanuel Macron, il n’y a eu guère de réactions à la décision qu’il a annoncé d’arrêter, en pleine épidémie mondiale, de financer l’organisation internationale. Alors que les États-Unis représentent, à eux seuls, prés de 15 % du budget de l’organisation (et près de 25% des contributions étatiques). Au contraire, d’autres pays, comme l’Australie ont emboité le pas sur les Etats Unis en criant « Haro sur l’OMS ».

On peut n’y voir qu’une de ces foucades auxquelles le président américain nous a habitué depuis qu’il dirige la première puissance mondiale ;en espérant en même temps que les prochaines élections américaines débarrasse la planète de ce ludion malfaisant. Mais outre que ce dénouement n’est pas certain, cette décision est aussi le reflet d’une partie de l’opinion américaine qui ne peut interpréter les relations internationales qu’à la lumière du western hollywoodien.

On peut y voir aussi en cherchant à faire de l’OMS un bouc émissaire facile pour faire oublier ses erreurs, un message à vocation de politique intérieure. Mais il n’est pas sûr que les américains qui votent pour Trump sachent davantage ce qu’est l’OMS, que situer l’Irak ou l’Iran sur une mappemonde.

On peut y voir l’expression de la volonté du président américain de remettre en cause le multilatéralisme, comme il l’a fait, dès son arrivée, avec l’OMC. Et d’ailleurs, les États-Unis n’ont pas plus respecté le règlement sanitaire international (le RSI) que les règles de l’OMC (sans parler du Traité de Paris ou de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien), traité qui pourtant les engage tout autant que les 196 autres pays signataires et sur la base duquel le comité d’urgence présidé par l’ancien DGS français Didier Houssin a proposé au directeur général, l’éthiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, de déclarer l’urgence de santé publique internationale (USPPI)

On peut aussi considérer qu’il n’a pas totalement tord, et que l’OMS, qui a tété dirigée pendant dix ans par une chinoise, a trop voulu ménager la Chine, et n’a pas fait preuve, à son égard, d’une exigence suffisante en premant pour argent comptant les déclarations des autorités chinoises sur la véracité desquelles il existe de nombreux doutes.

Il n’empêche, ce n’est pas non plus en affaiblissant l’OMS qu’on lui permettra de jouer davantage son rôle. Et ce n’est pas en sortant des institutions internationales qu’on contrebalancera le poids croissant de la Chine en leur sein, comme l’a l’illustré il y a un an l’élection d’un chinois à la tête de la FAO, contre une candidate française.

Or, on voit bien que, comme pour gérer la crise environnementale, la gestion des crises épidémiques, nécessitera plus que ce multilatéralisme sur lequel repose l’OMS, mais aussi d’avoir, dans ce domaine, des compétences supranationales, qui permettent d’assurer des réponse rapides, coordonnées et appliquées par tous, face à ce type d’événement, dont la seule chose dont on soit sûr c’est qu’il y en aura encore. Et que cela nécessitera de renforcer aussi les moyens de l’OMS.

Dans ce contexte, la faiblesse des réactions de la communauté internationale pour soutenir l’OMS inquiète. Heureusement que Lady Gaga s’est mobilisée avec d’autres artistes pour lui apporter un soutien, y compris matériel !

Plutôt que de chercher des responsables, des coupables, et des bouc émissaires, il serait plus utile que la communauté internationale fasse, une fois que la crise sera terminée, ce qu’on fait normalement après une crise sanitaire : un retour d’expérience, un retex, qui permette de tirer toutes les leçons de cette crise mondiale inédite. Y compris sur le rôle que doit jouer l’OMS.

Paris, Croulebarbe, le 19 avril 2020

 

 

 

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