Le grand desservant déchire ses vêtements et dit :
« Il a blasphémé ! Qu’avons-nous encore besoin de témoins ?
Voilà maintenant vous avez entendu le blasphème ? Quel est votre avis ? »
Ils répondent et disent : « Il est passible de mort. »
Et revoilà le blasphème. Non pas à l’occasion de l’assassinat d’un prof ou d’un attentat contre la rédaction d’un journal satirique. Non, à l’occasion d’une scène de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, assimilée, semble-t-il abusivement, à la Cène de Léonard de Vinci, elle même représentation du dernier repas de Jésus relaté dans trois des quatre évangiles et fondateur du rite eucharistique. Je comprends qu’on ai pu voir dans ce tableau vivant une caricature de cette (s)cène, où le Christ et ses apôtres sont figurées par des Drag Queens, même si le personnage de Philippe Katerine en Dionysos pouvait orienter vers d’autres références : mais après tout, c’est la règle de ce type d’exercice kitschissime de reposer sur des collages de plusieurs références.
Je ne comprends pas en revanche que des chrétiens soient choqués par le rapprochement entre les personnages évangéliques et des représentants des minorités sexuelles, comme l’a exprimé la Conférence des évêques de France en indiquant que la « cérémonie (avait) malheureusement inclus des scènes de dérision et de moquerie du christianisme » ; non que ce soit nécessairement de bon goût (mais les défilés vaticanesques des cardinaux en habit rouge ne le sont pas nécessairement non plus -en fait, on peut aimer … ou ne pas aimer-), mais parce que le mépris qu’il exprime pour les personnes concernées est fondamentalement contraire à l’esprit évangélique.
Surtout, je suis choqué pour ma part que ceux qui se revendiquent de ce message évangélique voient dans cette scène une forme de blasphème, comme l’a fait Emmanuel Gobilliard, évêque de Digne et délégué de l’Église catholique en France pour les JO, en répondant à la Croix que « le droit au blasphème n’avait donc vraiment pas sa place dans cette cérémonie, censée surtout faire prévaloir l’esprit d’unité, de fraternité, de rassemblement, de paix. » En fait je suis toujours surpris, en même temps que choqué, de voir utiliser ce terme de blasphème par des chrétiens qui ont tendance à oublier que Jésus lui même a été condamné pour blasphème par le Sanhédrin : il était ainsi solidaire de tous ceux qui, avant lui, ou après lui, ont été condamné à mort pour ce « crime » imaginaire, . Par référence à l’Evangile ce terme devrait être banni du vocabulaire chrétien, alors qu’il est toujours visé par le droit canon : « Qui, dans un spectacle ou une assemblée publique, ou dans un écrit répandu dans le public, ou en utilisant d’autres moyens de communication sociale, profère un blasphème ou blesse gravement les bonnes mœurs, ou bien dit des injures ou excite à la haine ou au mépris contre la religion ou l’Église, sera puni d’une juste peine. »
Le blasphème, comme notion, ne devrait plus exister et plus qu’un droit au blasphème qui n’a de ce fait guère de sens, je propose de pénaliser l’accusation de blasphème, compte tenu des conséquences qu’elle peut avoir pour les personnes qui en sont l’objet. Au titre, en fait, de la mise en danger de la vie d’autrui.
Toulouse, le 27 juillet – Paris, Croulebarbe, le 3 aout 2024
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