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Le pacte des solidarités ou l’art d’accommoder les restes.

Attendu depuis huit mois, reporté cinq fois, c’est avec une certaine discrétion que le gouvernement a présenté  ce lundi aux associations son « pacte des solidarités ». Il s’agissait, rien moins, de relancer une politique de lutte contre la pauvreté annoncé en septembre 2018 lors du premier quinquennat mais conduite un peu poussivement depuis, et ce dans un contexte post-covid marqué à la fois par la reprise de l’emploi et le retour de l’inflation.

En fait ce pacte ne fait que recycler une partie des mesures annoncées à l’époque, mais sans en reprendre l’ambition d’« agir pour que la pauvreté ne se transmette plus en héritage » dans le cadre de la construction « d’un Etat providence du XXIe siècle » [1]. Un plan ambitieux mais qui, d’après le rapport pourtant peu sévère élaboré par le comité d’évaluation en 2022, n’a pas été réellement engagé. D’où les doutes sur l’avenir de sa saison 2.

Deux constats sont particulièrement inquiétant quant à l’évolution de la pauvreté. D’abord, l’amélioration, incontestable, de la situation de l’emploi, ne conduit pas pour autant à une baisse du taux de pauvreté. Il y a à cela plusieurs raisons. D’abord, et on le sait depuis longtemps, l’amélioration de l’emploi ne profite pas spontanément aux plus précaires car ils y a pour eux des obstacles structurels à l’accès au travail. C’est le cas, par exemple, des familles monoparentales (traduisez « des femmes seules avec des enfants ») pour qui il ne suffit pas qu’il y ait une reprise de la demande de travail pour qu’elles puissent y répondre facilement, si on ne règle pas, par exemple, les problèmes de garde des enfants ou de mobilité quotidienne. En outre, et malgré la mise en place puis l’élargissement suite au mouvement des gilets jaunes de la prime d’activité, la reprise de l’emploi qui a reposé en partie sur une plus grande flexibilité a aussi augmenté le nombre de travailleurs pauvres.

L’ambition du plan 2017 était d’agir sur ces facteurs structurels, y compris les plus profonds qui agissent eux dès la petite enfance et qui expliquent que la pauvreté, comme la richesse d’ailleurs, a une fâcheuse tendance à se reproduire de générations en générations. Cette ambition d’égalité des chances pour tous du macronisme  des origines a été visiblement perdue de vue depuis, même si elle est reprise  mezzo voce et à grand renfort de citations présidentielles par l’actuelle Première ministre en s’appuyant sur un projet de service public de la petite enfance supposé offrir les quelques 200 000 places supplémentaires promises depuis prés de dix ans.

Mais à ces multiples facteurs structurels s’est ajouté, tel l’arbre qui en cache la forêt, un facteur conjoncturel lourd : l’inflation. C’était déjà un des points faibles du plan de 2018 que de n’avoir pas prévu, comme au cours du quinquennat précédent, un plan de revalorisation des minima sociaux, et au moins du RSA, et au contraire d’avoir raboté ce qui est le principal minimum social dans notre pays, les allocations logement. Mais ce qui était un point faible devient avec la reprise de l’inflation un handicap majeur. Certes le RSA a été revalorisé de 5,8 % en 2022, ce qui est un peu supérieur à l’évolution générale des prix qui était de 5,2 %, mais après une revalorisation de 0,1% en 2021 pour une dérive des prix de 1,6%. Et pour 2023 la revalorisation n’a été que de 1,6 %, pour une dérive générale des prix de 5 %.  Elle-même très en deçà de celle des prix alimentaires qui touche évidemment davantage les plus pauvres

C’est pour couvrir ce risque alimentaire nouveau à laquelle l’aide alimentaire n’arrive pas à faire face que certains préconisent désormais une sécurité sociale alimentaire, qui viendrait ajouter une strate supplémentaire à une sédimentation des minimas sociaux à laquelle devait mettre fin le revenu universel d’activité. La solidarité  à la source qui devrait être expérimentée l’année prochaine devrait en effet se limiter, ce qui ne serait  déjà pas mal  en termes de lutte contre le non recours aux droits, à une attribution automatique des prestations au vu des revenus connus. Si tout va bien, tout le monde devrait avoir accès aux prestations auxquelles il a droit, mais elles resteront insuffisantes pour assurer à beaucoup le minimum vital.

Paris Croulebarbe, le 21 septembre 2023

[1] Et dont je m’honore d’avoir inspiré la plupart d’entre elles dans les notes que j’avais adressées à Jean Pisani-Ferry pendant la campagne de 2017 puis dans mes échanges avec Olivier Noblecourt premier délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté.

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