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L’inclusion numérique est un investissement économiquement rentable … à forte valeur ajoutée sociale.

A la demande de Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat chargé du numérique, France Stratégie vient de sortir une étude passionnante sur les retombées économiques de l’autonomie numérique. Une estimation exigeante, comme savent les faires les économistes, et  qui aboutit à un gain économique pour le pays estimé à 1,6 milliard par an pendant dix ans. On le voit objectif économique et objectif social convergent. Autrement dit ….

L’inclusion numérique est un investissement économiquement rentable …

et à forte valeur ajoutée sociale

Bien sûr le résultat économique est intéressant : 1,6 milliard par an pendant dix ans, ce n’est pas rien. Mais la méthode l’est tout autant. Elle l’est, même si, et justement parce qu’elle s’inscrit dans le cadre traditionnel et restreint du calcul économique. Et même dans ce cadre le résultat est positif (ce qui n’est pas toujours le cas quand on parle d’investissement social).

Mais d’abord le constat : en France 14 millions de personnes, soit plus d’un quart de la population rencontre des problèmes d’accès au numérique, soit qu’elles ne savent pas utiliser internet, soit qu’elles aient des compétences limitées en la matière. Les auteurs se donnent pour ambition de développer l’autonomie numérique d’un tiers de la population en difficulté, et chiffrent le bénéfice pour l’ensemble de la population sur quatre domaines :

  • les bénéfices tirés de la participation de cette population l’économie numérique, sont chiffrés à près de 1,4 milliards d’€ de revenu et de pouvoir d’achat par an ;
  • l’impact positif sur l’emploi et la formation est chiffré à plus de 2 milliards d’Euros ;
  • les gains liés à l’utilisation des services publics en ligne est estimé lui à 600 millions d’€, dont 450 d’économies pour les services  publics eux mêmes ;
  • les bénéfices économiques tirés de l’inclusion et de l’augmentation du bien être (santé par exemple) sont estimés à plus de 800 millions d’€.

Deux limites, d’ailleurs annoncées par les auteurs, suscitent toutefois des regrets de ma part et nécessiteraient d’autres travaux.

La première c’est que si l’on voit bien l’enjeu économique non négligeable de l’investissement dans une stratégie d’inclusion numérique, il n’y a pas d’estimation du « rendement économique » de cet investissement, faute d’avoir chiffré le coût d’une telle stratégie. Bien sûr il faudrait pour cela préciser les moyens d’une telle politique publique que j’avais appelé de mes vœux il y a environ deux ans , en s’inspirant d’une part des expériences étrangères, et d’autre part des initiatives qui ont pu se développer en France, avec des initiatives comme Emmaus connect ou avec la stratégie que j’ai développé dans la branche famille. Je suis convaincu pour ma part que les moyens nécessaires sont sans commune  mesure avec les gains espérés. Il est donc « rentable » d’utiliser une partie des gains de productivité des services publics pour développer des emplois dédiés à l’accompagnement numérique des usagers, et non seulement pour réduire l’emploi public. Malheureusement c’est un raisonnement économique qui échappe à la compréhension des « budgétaires de tous poils ».

La seconde limite est justement liée à l’approche strictement économique qui a été adoptée. Comme l’indiquent les auteurs « l’estimation des bénéfices monétaires d’une stratégie d’inclusion débouche sur des résultats très significatifs mais qui, au total, ne sont pas de nature à eux seuls à modifier le sentier de croissance du pays. Cela confirme que l’inclusion numérique est d’abord un sujet d’équité, d’égalité des droits et de cohésion sociale ». Effectivement pour non négligeable qu’il soit l’impact monétaire, mesuré en « delta PIB/PIB », reste marginal. Et l’on ne peut que regretter que les auteurs n’aient pas tenté de mesurer, avec les méthodes mises au point par France Stratégie (avec la Cnaf) justement, ce rendement social.

 

Paris, le 17 juillet 2018

 

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