« Si le Chili a été le berceau du néolibéralisme, il sera aussi son tombeau ». On espère que la prophétie du nouveau président chilien, Gabriel Boric, se réalisera. On l’a un peu oublié en effet, le Chili de Pinochet a été le laboratoire des « Chicago boys », ces disciples de Milton Friedman nourris au sein de l’Université pontificale de Santiago et qui ont, après s’être opposés tant à la politique économique de la démocratie chrétienne que de l’Unité populaire, inauguré en 1973 un long cycle de Kondratiev idéologique qui est probablement en train de se terminer. Comme les fascistes et les nazis en Espagne pour la guerre, les ultralibéraux ont expérimenté à l’abri de la cordillère des Andes et d’une dictature sanguinaire qui pouvait seule l’imposer à la population, les recettes qui seront appliquées quelques années plus tard par Margaret Thatcher et par Ronald Reagan.
Sous une forme certes atténuée, et après l’échec de la relance socialo-keynésienne de 1981 en France, le virus néolibéral a ensuite contaminé les idéologies socio-politiques européennes, tant démocrates chrétiennes que social-démocrates, comme un projet d’unification européenne qui a été instrumentalisé au profit de l’extension du domaine du marché, alors que celui-ci n’était pour ses concepteurs qu’un moyen pour le rendre nécessaire : « ils n’en mourraient pas tous, mais tous étaient frappés ».
Il est frappant de constater à cet égard que ceux des candidats aux présidentielles, crédibles pour les électeurs et qui symbolisent le cercle de la raison par opposition à un cercle des passions qui s’en est en quelques sorte dissocié, pour reprendre le diagnostic porté ce matin sur France-Inter par Thomas Legrand, restent marqués, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou de Valérie Pécresse, par ce surmoi néolibéral dont les électeurs chiliens ont réussi à se défaire, mais pas encore les électeurs et les élites françaises.
Paris, Croulebarbe, le 20 décembre 2021.
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