Sur le fil

Pour une allocation sociale unique inclusive (2) : à propos du rapport Cap 2022.

Dans sa proposition 12, « Simplifier les dispositifs sociaux au titre de la solidarité nationale et mieux accompagner ceux qui en ont le plus besoin », le rapport « Service public, se réinventer pour mieux servir » dit Cap 2022 (Comité Action publique 2022) propose la mise en place d’une allocation sociale unique …. mais en reporte la mise en place à une échéance indéterminée.

Pour une allocation sociale unique inclusive (2)

A propos du rapport Cap 2022

Pourtant il part d’un constat aujourd’hui largement partagé et que j’ai développé ici, dénonçant, ou plutôt pointant, « les difficultés de « cohérence globale de l’action publique », « l’organisation « labyrinthique » » et ses conséquences en terme d’accès au droit, les erreurs ainsi que les coûts de gestion qui en résultent, la charge cognitive pour les techniciens des Caf, ainsi que la dispersion et donc la faible efficacité des dispositifs d’accompagnement.

Malheureusement l’ambition n’est pas à la hauteur de ce constat ni des objectifs affichés : « créer un système plus juste, tout en répondant mieux aux objectifs de réduction de la pauvreté et d’incitation au retour à l’emploi ».

Il propose en effet « d’aller vers une allocation sociale unique », dont le rapport ne précise pas le calendrier mais fixe un chemin … qui ne conduira finalement pas  à  cet objectif.

D’abord la « cible », « une allocation (qui) réunirait en une seule plusieurs dispositifs existant (RSA, AAH, ASS …). ». Les points de suspension ne doivent pas faire illusion : il ne s’agit pas de fusionner, comme je l’avais proposé ici, toutes les prestations d’aide au revenu, et d’assurer ce faisant la continuité, la cohérence et l’équité du système socio-fiscal, mais de mettre en place un minimum social unique, regroupant tout (ou partie) des minima sociaux actuels, ce que veulent expérimenter les treize départements cités dans le rapport. Or c’est doublement une erreur. D’abord, en gardant la logique d’un minimum social on ne supprime ni les effets de seuil, ni les effets de « trappe à pauvreté » ou « à activité », ni les effets de stigmatisation des bénéficiaires qui y sont attachés. Ensuite la fusion de toutes les prestations de soutien au revenu, et notamment l’intégration des allocations familiales et des allocations logement dans l’allocation sociale unique est le seul moyen de diminuer la charge pour les finances publiques, sans dégrader la situation de ceux qui en ont besoin. A défaut, si des économies devaient être faites, elles ne pourraient l’être que par une diminution des montants versés.

Ensuite, « à plus courte échéance », le chemin : si l’on ne peut qu’être d’accord sur la nécessité d’« une modernisation considérable des conditions de délivrance des prestations sociales » débouchant sur un « versement social unique » qui est une étape sur le chemin de l’allocation sociale unique, et pour cela « utiliser le numérique pour augmenter la lisibilité du système, faciliter les échanges de données entre opérateurs et administration et mettre en place la contemporanéité des bases ressources », toutes conditions techniques qui permettent aujourd’hui d’envisager une allocation sociale unique (ce qui n’était pas vrai il y a encore quelques années), il faut, pour que ça marche, que ces chantiers soient menés rapidement (et non en « ouvrant des réflexions », comme, par exemple pour l’intégration de l’allocation logement (proposition 11)), et de front pour l’ensemble des prestations, et non pas de façon segmenté, prestation par prestation. De surcroit l’objectif affiché de mise sous condition de ressource des allocations familiales est contradictoire avec la mise en place d’un barème dégressif, cohérent avec le quotient familial, de la part « famille » de l’allocation sociale unique, et va évidemment relancer le (vrai-faux) débat sur la question de l’universalité des allocations familiales.

Enfin les propositions sur les dispositifs d’accompagnement nécessaires à la réussite de l’insertion, ou à la prévention de l’exclusion, sont très en deçà des enjeux ; le rapport se limite à identifier trois leviers, en terme si généraux qu’on ne peut qu’être d’accord, et qui « pourraient » être activés : « généraliser les dispositifs de coordination de l’accompagnement social » ; mêler « insertion professionnelle et prise en charge des difficultés sociales » ;  » donner aux opérateurs nationaux (en clair, principalement la Cnaf) des objectifs relatifs à la coordination des accompagnements ». On est bien loin de l’ambitieuse politique publique qui serait nécessaire, mobilisant sur un enjeu essentiel pour la Nation, l’ensemble des partenaires, et accompagnée d’un rigoureux dispositif d’évaluation.

 

Paris, le 18 août 2018

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *