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Vous n’aimez pas les vaccins, essayez les maladies ! (2)

Les français ont visiblement un problème avec la vaccination. Selon un sondage Ipsos-Sopra-Steria réalisé en octobre dans 27 pays les français sont avec les hongrois, les russes et les polonais, les plus réticents à se faire vacciner : à peine plus de la moitié  d’entre eux sont d’accord, contre trois-quart au niveau mondial, donc loin derrière la Chine, l’Inde, le Brésil, ou l’Australie, et même les États-Unis où la confiance atteint les deux tiers de la population. Ceci n’est pas nouveau, mais on pouvait espérer que l’épidémie de Covid aurait joué son rôle de leçon de choses à grande échelle sur une opinion qui en avait profité pour réhabiliter Roseline Bachelot et faisait pression sur le gouvernement et sur l’Europe pour réserver suffisamment de doses pour vacciner toute la population. Bien sûr on dira que ce ne sont pas les mêmes qui réclamaient le vaccin hier et qui le refusent aujourd’hui. Mais le taux de confiance s’est dégradé de 5 points entre août et octobre.

La principale raison invoquée ce sont les effets secondaires. Bien sûr tout mode de soin efficace peut avoir des effets indésirables, et les grecs l’avaient bien compris qui appelaient du même mot, pharmakon, et le médicament et le poison. Mais les risques de la vaccination sont sans commune mesure avec les risques de la maladie elle-même. Sans compter que la vaccination ne protège pas que celui qui se fait vacciner : elle permet d’atteindre la fameuse « immunité collective », sans attendre qu’un nombre suffisant de personnes tombent malades. On l’a oublié, mais c’est elle qui a permis d’éradiquer la variole en 1980, grâce à une campagne lancée par l’OMS dès la fin des années cinquante. A contrario, la désaffection pour la vaccination contre la rougeole est à l’origine de la reprise de l’épidémie et des décès qui l’accompagnent. Bien sûr, il est important que les essais cliniques, avant la mise sur le marché les essais cliniques, et le suivi pharmacologique après, permette de bien identifier les éventuels effets indésirables ; et c’est vrai que certaines erreurs du passé dans ce domaine ont écorné la confiance dans les autorités sanitaires, et il est indispensable qu’elles retrouvent ce crédit perdu.

Mais cette inquiétude sur les effets secondaires de ceux qui refusent la vaccination n’est pas très supérieure en France à ce quelle est ailleurs. Ce qui caractérise la situation française c’est la part de ceux qui sont opposés par principe à la vaccination : avec un quart des opposants, c’est le taux le plus élevé au niveau mondial  après les russes. Ce mouvement antivax qui touche y compris des soignants, va bien au delà d’une simple méfiance et utilise toute la palette des procédés souvent contradictoires des théories complotistes, ce fameux mille-feuille argumentatif dont on vient de voir le poids avec le succès du soit disant reportage « holdup »: tout y passe, et notamment un complot organisé par l’industrie pharmaceutique, une nouvelle conspiration des milliardaires. De ce point de vue la communication financière de Pfizer sur sa probable découverte d’un vaccin n’est pas seulement indécente. Elle est aussi désastreuse dans la mesure où elle donne du crédit à ces théories complotistes.

Mais il y a aussi, dans le rejet de la vaccination, l’idée que celle-ci est en quelque sorte contre-nature, qu’elle viendrait transgresser une sorte d’ordre naturel, en intervenant artificiellement sur les mécanismes microbiologiques. C’est oublier que les mécanismes d’immunisation sont eux-mêmes le résultat de l’évolution et que Jenner en utilisant la vaccine contre la variole, puis Pasteur en mettant au point des vaccins contre bien d’autres maladies, n’ont fait que trouver un moyen d’activer ce mécanisme « naturel » .Cela s’appuie sur une vision magique de la nature souvent portée par une partie du mouvement écologiste. De ce point de vue il faut saluer le courage politique de Yannick Jadot demandant à ce que la vaccination contre le Covid soit rendue obligatoire.

Il n’est peut-être pas nécessaire d’aller jusque là, mais il est important de convaincre nos concitoyens : se faire vacciner c’est bien sûr se protéger, mais c’est aussi protéger les autres et sortir de ces alternances de couvre-feu et de confinements qui finissent pas avoir un effet délétère sur la vie en société.

Paris, Croulebarbe, le 15 novembre 2020.

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