Bref !, Sur le fil

80, 80 ! 80, 80 ! 80 à l’heure ! (sur l’air des lampions).

Haro sur les radars : les automates au liseré jaune et noir ont été les premières victimes expiatoires des gilets jaunes. Il semble bien d’ailleurs que ceux-ci soient en passe de gagner leur combat fondateur contre les 80 km/h, avec le soutien d’une majorité des contributeurs au grand débat. Et haro sur les bobos, ou les technos, qui ont l’outrecuidance de ne pas obtempérer à l’injonction populaire : « Arrêtez d’emmerder les français » disait Pompidou, grand promoteur de la voiture individuelle.

Bien sûr, car tout cela n’est qu’un moyen détourné pour faire payer les automobilistes car les radars, c’est connu, ont été placés à des endroits où il est impossible de respecter les limitations de vitesse, exprès pour les piéger, et leur destruction, comme hier celle des portiques, n’est qu’une des manifestations de l’insurrection fiscale. Bien sûr, le peuple des chauffeurs sait mieux que quiconque ce qui est bon pour lui et pour les autres usagers de la route. Bien sûr, les statistiques ne prouvent rien, elles reposent sur des chiffres trafiqués, et on peut leur faire dire ce que l’on veut. Bien sûr, les élus locaux sont plus compétents que les technos parisiens pour savoir quelles routes sont réellement dangereuses. Bien sûr, le risque zéro n’existe pas, il y aura toujours des accidents de la route, sauf à interdire la voiture.

Et bien non. Et merci à Laurent Joffrin et à Thomas Legrand d’avoir dans des éditos courageux dans Libé et sur France Inter pris le contrepied de ces brèves de ronds-points. On peut discuter à l’infini des maladresses et défauts de communication du Premier ministre, ou des intentions cachées du gouvernement : il n’en reste pas moins que ces arguments ont été opposés à toutes les mesures qui, depuis 1972 ont permis de faire passer le nombre de morts sur les routes de 18 034 à 3259 l’année dernière. On peut contester à l’infini l’importance de la vitesse comme cause des accidents : il n’en reste pas moins que diminuer de 20 km/h la vitesse des chocs frontaux, car dans ce cas les vitesses s’additionnent, sur les routes où ce risque est le plus important diminue le nombre de morts comme d’ailleurs le nombre de blessés avec leur cortège de handicaps définitifs.

Car la démocratie ne repose pas sur la seule opinion générale, mais aussi sur la connaissance et la raison ; et, comme l’ont montré les philosophes des sciences, tout savoir se constitue contre les idées reçues, contre les images immédiates, contre les impressions subjectives : ce n’est pas parce que nous avons l’impression que le soleil tourne autour de la terre, que c’est vrai. Et de même que la liberté des acteurs sur le marché ne garantit pas que chacun intègre les conséquences de ses actes pour les autres, de même la liberté du conducteur ne garantit pas des comportements qui assurent la sécurité de tous. Car, en fait, la violence contre les radars en révèle une autre, d’autant plus insupportable qu’elle est plus cachée encore, une violence dont chaque conducteur peut être l’auteur inconscient : la violence routière.


Paris, le 4 février 2019

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