Sur le fil

Mieux vaut prévenir que guérir…

Cela fait longtemps que l’on sait qu’il n’y a pas de relation directe entre consommation de soins et santé de la population. L’étude conduite par l’ARS Nord Pas de Calais avec l’INSEE[1] présentée à l’occasion de la première journée « Ma santé dans le Nord Pas de Calais » l’a une fois de plus illustré. Elle part d’un paradoxe apparent : la région se caractérise par une dépense de soins bien supérieure à la moyenne nationale (surtout si on la ramène à l’âge de la population, plus jeune et donc théoriquement moins consommatrice) ; et pourtant les indicateurs de santé sont les plus mauvais de la France métropolitaine, avec une espérance de vie de 3 ans inférieure pour les hommes, et de 2 ans pour les femmes. On voit bien qu’une forte dépense de soins n’entraine en rien une meilleure santé ; et aussi, a contrario, que cet état sanitaire n’est pas lié à une insuffisance de la dépense publique de santé, ou du moins de soins.

En réalité, il faut inverser le raisonnement ; comme l’a démontré cette étude, l’écart de consommation s’explique, quasi intégralement par deux facteurs :

  • la morbidité : autrement dit, on consomme plus de soins parcequ’on est plus malade (cela peut sembler enfoncer une porte ouverte, mais encore faut-il en tirer toutes les conséquences en termes de politique de santé) ;
  • la précarité : on dépense plus de soins parce qu’on est plus pauvre (en particulier parce qu’on se soigne plus tard, voire souvent, trop tard).

 

En revanche la région se caractérise par un très faible effet d’offre,

  • qu’il soit positif, comme dans certaines régions où l’excès d’offre génère une dépense inutile ;
  • ou qu’il soit négatif, comme dans les régions où une offre insuffisante, les fameux « déserts médicaux », conduit à un rationnement des soins.

Bien sûr ce constat, globalement juste au niveau de la région, doit être nuancé selon les territoires et selon les spécialités ; mais là n’est pas le propos dans ce papier.

Ce diagnostic a ainsi validé l’option de base du projet régional de santé, option qui avait fait débat il y a deux ans : non seulement on peut à la fois améliorer l’état sanitaire de la population et maîtriser l’évolution de la dépense de santé pour la rendre compatible avec la croissance économique -en d’autres termes, financièrement soutenable- mais c’est bien en faisant l’un qu’on réussira l’autre.

Si l’on inverse le calcul, les chiffres sont éclairants : sur les quelques 11 milliards d’euros de dépenses de santé prises en charge par la solidarité nationale dans la région (principalement l’assurance maladie), ce sont quelques 600 à 800 millions d’euros qui seraient économisés si la population du Nord Pas de Calais avait les mêmes caractéristiques de morbidité et de précarité que la France métropolitaine ; soit plus de 5% de la dépense totale !

On voit par là qu’il est rentable, en termes de santé publique mais aussi en termes économiques, d’investir dans l’éducation pour la santé, la promotion de la santé, la prévention, et l’accès aux soins. A condition bien sur de le faire intelligemment, c’est-à-dire dans la durée, en veillant autant à la qualité et à l’efficacité de ces actions, qu’à celles des techniques de soins, et en donnant la priorité à un recours plus précoce aux soins, dont les effets sont les plus rapides.

On voit aussi que ce qui est vrai dans le Nord Pas de Calais n’est pas forcément vrai ailleurs, là où les efforts devraient être faits d’abord sur la réduction d’une offre excédentaire, par exemple. Ce qui valide l’option de déconcentration au niveau régional, ce qui a été fait avec la création des ARS, mais montre aussi la nécessité de la compléter avec une meilleure régulation nationale (et bien sûr pas une recentralisation), ce qui reste à faire.

On voit aussi que, une fois les économies liées à l’amélioration de la situation sanitaire et de l’accès aux soins engrangés, les gains d’efficiences de la dépense publique passeront par une amélioration de la coordination des acteurs du système, par exemple en généralisant le dossier médical personnel et son usage. Cela n’exonère donc pas la région Nord Pas de Calais d’un effort identique à celui des autres régions pour optimiser les parcours de soins, comme l’a souhaité le Premier ministre en engageant les travaux sur la stratégie nationale de santé, et comme c’est d’ailleurs prévu dans les options stratégiques du projet régional de santé.

Mais c’est là un autre chapitre ….
Lille, le 12 avril 2013

[1] Les disparités territoriales de dépenses de santé dans le Nord-Pas-de-Calais au regard des facteurs démographiques, sanitaires et sociaux, juin 2012

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *