Suite à mon papier « Le soin est un humanisme », j’ai signé aujourd’hui, sur la suggestion de Jean-Baptiste de Foucauld, le plaidoyer « Associons nos savoirs », qui vise à associer les usagers dans la formation des professionnels du soin et du social, à développer « une démocratie des expériences ».
Pour l’avoir vérifié dans ma dernière mission sur la compensation du handicap pour les enfants, ceux-ci développent une véritable expertise d’usage, à laquelle il est indispensable que les professionnels puissent se référer, de façon à rééquilibrer la relation, nécessairement asymétrique, entre accompagnants et accompagnés.
Paris, le 8 août 2018
Associons nos savoirs
Pour l’intégration des patients et personnes accompagnées dans la formation initiale et continue des professionnels de la santé et du social
Préambule
Les pratiques professionnelles de l’action sociale et de la santé doivent mieux répondre aux attentes de la société du 21ème siècle : participation, reconnaissance, prise en compte des personnes. Pour cela, un levier est essentiel : l’expertise des personnes concernées par les soins et les accompagnements sociaux doit être intégrée à la
formation initiale et continue. Issu d’un travail collectif international de plusieurs années, « Associons nos savoirs »
mobilise à la fois les secteurs de la santé et de l’accompagnement social. Il fait suite à la Déclaration de Vancouver de 2015, qui posait les bases d’une participation citoyenne à la formation professionnelle, mais avec une orientation surtout sanitaire.
« Associons nos savoirs » adopte une approche volontairement transversale, au-delà des métiers et des repères règlementaires habituels. C’est à un progrès démocratique à part entière qu’il espère contribuer, dans le sens de plus de fraternité et de plus de solidarité.
Nous, parties prenantes des soins et des accompagnements au titre de l’action sociale et de la santé (1), constatons :
- Que la participation des personnes concernées à la formation initiale et continue améliore la qualité et l’efficacité des soins et des accompagnements.
- Que ceci a été montré par des travaux de recherche internationaux. Cette participation, en donnant aux professionnels accès aux savoirs et aux réalités vécues par les personnes, développe leur capacité d’attention à autrui, favorise les processus de décision partagée concernant les soins et les accompagnements, tout en contribuant au pouvoir d’agir et à la dignité des personnes (2).
- Que les pays où cette participation se développe bénéficient de politiques publiques clairement affichées, avec des moyens effectifs de mise en oeuvre.
- Qu’en dépit d’un cadre législatif et réglementaire (3) destiné à favoriser, en France, la participation des personnes aux dispositifs de soins et d’accompagnement social, un réel décalage demeure entre intentions et discours officiels d’une part, pratiques réelles d’autre part. En outre, ces dispositions concernent trop peu les processus de formation initiale et continue, pour lesquels une révolution culturelle reste à faire.
- Que l’une des raisons de cette situation est notre difficulté à ce que des initiatives dont la valeur ajoutée a été démontrée soient valorisées, reconnues, généralisées.
Conscients que des résistances persistent, mais convaincus qu’elles peuvent et doivent être surmontées, nous souhaitons :
1/ Affirmer notre conviction que l’accompagnement social et le soin ne peuvent se construire sans tenir compte du vécu et du retour d’expérience des personnes qui en bénéficient. A ce titre, la participation de ces personnes est indissociable du travail social comme du soin,
2/ Permettre aux professionnels de l’accompagnement et du soin, grâce à cette participation, de renforcer et de renouveler le sens de leur métier et de leur engagement,
3/ Promouvoir la place des patients et des personnes accompagnées dans la formation, en s’appuyant sur leurs capacités et ressources propres, et sur celles des communautés auxquelles ils appartiennent (familles et proches, associations, mouvements, quartiers, territoires…),
4/ Reconnaître la légitimité de leur contribution à toutes les étapes du processus de formation : construction des référentiels de compétences des professionnels, élaboration des référentiels de formation, conception des programmes, animation et évaluation des actions pédagogiques,
5/ Faire partager la conviction que leur contribution aux dispositifs de formation permet l’émergence d’une relation renouvelée, plus équilibrée et donc plus féconde pour les personnes et les professionnels comme pour les communautés,
6/ Affirmer que leur implication est bénéfique pour l’amélioration des postures et des pratiques professionnelles,
7/ Soutenir le développement de la participation des personnes accompagnées et des patients à la formation parce qu’elle est aussi une opportunité pour eux d’acquérir de nouvelles compétences, de trouver une légitime reconnaissance et en conséquence, de développer un pouvoir d’agir plus important, à la fois pour eux-mêmes et pour leur environnement.
Un accompagnement de toutes les parties prenantes sera nécessaire pour réussir cette mutation culturelle exigeante pour les personnes, les organisations et la Cité.
1 Nous entendons ici par parties prenantes : patients, personnes accompagnées, proches et aidants de patients et de personnes accompagnées, membres d’associations représentants les usagers, étudiants, chercheurs, enseignants, élus, parties prenantes du financement ou de l’organisation de la formation, professionnels de la formation, professionnels de santé et de l’accompagnement, bénévoles, citoyens concernés à un titre ou un autre…
2 Références scientifiques disponibles sur www.associonsnossavoirs.fehap.fr
3 On peut citer notamment la loi du 02 Janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ; la loi du 04 Mars 2002 sur la démocratie sanitaire ; la loi du 11 Février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ; la loi de modernisation du système de santé du 26 Janvier 2016…
Merci pour ce manifeste.
Je donnerai un exemple récent. Le formation complémentaire intervention en autisme pour les professions du travail social a été préparée par un groupe de travail en 2015-2016. Il avait été prévu qu’une personne concernée (personne autiste ou famille) puisse faire partie du jury, sous réserve d’une formation à la fonction.
Cette possibilité a sauté dans la version finale publiée au Journal Officiel cette année.
Il y a une disqualification des usagers en pédopsychiatrie. Quelques exemples : https://blogs.mediapart.fr/jean-vincot/blog/220516/la-pedopsychiatrie-en-danger-de-mort-13