Bref !, Lu, vu, entendu

Crise sanitaire, soupçon et communication.

Dans son édito de jeudi sur France Inter, Thomas Legrand est revenu, à propos de la catastrophe de Lubrizol,  sur la question de la crédibilité de la parole publique en cas de crise. Pour reprendre ses termes « on est passé, en quelques années, de la suspicion à la défiance et de la défiance à la certitude du mensonge »

Lors de la matinale de la veille, invitée de Nicolas Demorand et de Léa Salamé pour le grand entretien, la ministre Agnes Buzyn a reconnu que cela devenait difficile de communiquer, et qu’il faudrait que des sociologues et des psychologues travaillent dessus.

Vendredi, Yaël Goosz rappelait que l’air pollué coïncidait avec l’ère du soupçon, du soupçon généralisé, qui touche les politiques, mais aussi les experts.

 

S’il y a une leçon à retenir de l’affaire Lubrizol, c’est que ça devient difficile de communiquer pendant les crises sanitaires, alors que la communication est un élément essentiel pour les gérer.

Certes, il y a eu le nuage de Tchernobyl et l’affaire du sang contaminé, la canicule de 2003 et le Médiator. Mais depuis, l’indépendance et l’expertise des autorités sanitaires n’a cessé de se renforcer et c’est devenu une telle inquiétude pour tout ministre chargé de la santé de tomber sur une crise sanitaire qu’aucun ne s’aventurerait à manquer à l’obligation de transparence.

Certes, les autorités politiques et sanitaires se sont voulues à la fois prudentes et rassurantes. Mais, la suspicion vient se loger dans l’interstice entre ces deux préoccupations, surtout quand, comme on l’a vu pour la tuerie à la préfecture de police de Paris, le souci de rassurer l’emporte sur l’application du principe de prudence.

Certes le bruit médiatique autour de la disparition de Jacques Chirac, a largement couvert et rendu inaudibles les messages des autorités, ce qui a renforcé le sentiment des rouennais d’être délaissés ; même si les membres du gouvernement n’ont pas tardé à se rendre sur place.

Certes l’opposition, notamment écologique, a voulu jouer son rôle d’opposition en mettant en avant les carences de la communication gouvernementale. Mais, ce faisant elle a contribué, on l’espère involontairement à alimenter une théorie générale du complot qui pourrait lui revenir en boomerang si un jour elle accédait aux responsabilités.

Sans compter qu’à l’ère des fake news et des hoax, les réseaux sociaux amplifient et alimentent de fausses nouvelles et de fausses images l’inquiétude des populations.

La première leçon à en tirer, c’est que seule la transparence, sur ce qu’on sait, mais aussi sur ce que l’on ne sait pas, est de nature à rétablir, petit à petit, la confiance. Mais on peut aussi tirer une autre conclusion de cet épisode : le problème n’est pas seulement du côté due l’émetteur, il est aussi du récepteur.

Les messages sanitaires sont contre-intuitifs : d’un côté on parle de risque, de l’autre d’un ressenti. Or rien de moins facile à comprendre que la notion de risque ; comprendre que, même si on ne cesse de le répéter, le risque zéro n’existe pas, que toute activité humaine génère des risques, qu’un cas n’est pas la preuve d’une cause, qu’un risque perceptible, comme des odeurs ou des suies, peut être moins important qu’un risque qui ne l’est pas, comme les microparticules ; le risque est une notion probabiliste qui cohabite mal avec la vision déterministe du monde qui résulte de notre apprentissage scolaire.

Osons une suggestion au gouvernement : développer, enfin, l’éducation à la santé, pour que les citoyens aient une meilleure compréhension de cette notion de risque ; cela permettra de mieux gérer les crises, mais aussi des décisions comme celles relatives à la vaccination, à l’homéopathie, ou à la lutte contre l’alcool, la vitesse, ou le tabac.

Paris, le 6 octobre 2019

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