La lettre hebdomadaire de Témoignage Chrétien du jeudi 29 mai a repris dans une version abrégée mon papier sur Sophia Chikirou, Jean-Luc Mélenchon et La Meute.
Le Canard enchaîné a confirmé la participation de Sophia Chikirou – qui la nie – à une manifestation pro-Poutine le 8 mai à l’occasion de la célébration de la victoire contre le nazisme. Certes, ce n’était pas, comme on l’a cru un moment, celle du mouvement souverainiste, complotiste et anti-européen de Jacques Cheminade, mais celle organisée un peu avant sur le même parcours, de la République au Père-Lachaise, dans le même contexte, la « Marche du Régiment immortel », initiative russe visant à célébrer la « grande guerre patriotique » et récupérée par le pouvoir poutinien. Ceinte de son écharpe tricolore, Sophia Chikirou n’a pas hésité à qualifier de « provocation » le projet d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan et à l’UE, reprenant les éléments de langage du Kremlin. Cela n’a pas dû gêner beaucoup Jean-Luc Mélenchon, qui avait participé le 9 mai 2018 à cette même marche, à Moscou cette fois-là.
Des drôles de dames de Méluche – comme Mathilde Panot ou Danièle Obono – Chikirou est la première, la « femme du chef » ainsi qu’elle aime à se définir elle-même selon le livre La Meute. À tel point que d’aucuns l’assimilent à Jiang Qing, l’« Impératrice rouge », dernière épouse du « Grand Timonier ». Une référence maoïste qui n’est pas sans faire sourire de la part d’un mouvement créé pour soutenir un ancien trotskiste, quand on se souvient à quel point ces deux tendances sectaires de l’extrême gauche des années 1970 pouvaient s’agonir. Mais ce n’est pas nécessairement pour déplaire au Lider Maximo, qui ne cache pas son admiration pour les régimes autoritaires, qu’il s’agisse de celui de la Russie de Poutine ou de celui de la Chine de Xi Jin Ping. Une Chine qui le fascine depuis une visite effectuée sur place quand il était secrétaire d’État de Lionel Jospin, au point de soutenir en 2022 le projet d’une « seule Chine », comprendre l’annexion de Taïwan.
Disons-le clairement, La Meute n’est pas un très bon livre : les auteurs alignent anecdotes et propos rapportés au détriment de l’analyse. Mais ce travail d’investigation illustre les mécanismes qui font de LFI, non, comme le dit son fondateur, un « mouvement gazeux », mais un instrument extrêmement efficace au service des ambitions d’un homme : une armée, une secte, une famille, au sens mafieux du terme, avec son lot de vexations, purges et exclusions qui permettent de maintenir l’autorité du chef et de soutenir son projet électoral. Un projet électoraliste, bien plus que populiste, qui conduit l’ancien laïc à des positions pour le moins ambiguës sur l’islamisme et l’antisémitisme, dans l’espoir de récupérer dans les banlieues l’écart de voix qui l’a empêché d’accéder au deuxième tour en 2017 comme en 2022.
Un mouvement qui ne brille pas par son respect de la démocratie et qui fait douter des engagements de son « chef » à promouvoir une VIe République plus démocratique, lui qui, selon l’une de ses (anciennes) proches, n’arrive pas « à penser en dehors de la Ve ». Comme son idole, François Mitterrand.
Daniel Lenoir
Charlotte Belaïch et Olivier Pérou, La Meute. Enquête sur La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, Flammarion, 352 p., 22 €
Témoignage Chrétien, le 29 mai 2025
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