Bref !

Finalement c’est la prime d’activité

Je ne cache pas avoir conçu une certaine fierté au fait que ce soit la prime d’activité qui serve d’instrument pour la revalorisation de 100 € des travailleurs au smic à laquelle s’est engagé Emmanuel Macron dans son discours du 10 décembre, en réponse aux revendications des « gilets jaunes ».

Cela illustre que la prime d’activité a bien  été cette « révolution sociale, numérique et administrative ». Mon seul regret, qu’on n’en ai pas (encore) étendu le mécanisme pour mettre en place un vrai filet de sécurité dans lequel elle serait intégrée, avec l‘allocation sociale unique.

Finalement c’est la prime d’activité

(Une révolution sociale, numérique et administrative 3)

 

« Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte un euros de plus pour l’employeur ». Après une période d’hésitation du gouvernement, la mise en œuvre de l’engagement pris par Emmanuel Macron le 10 décembre passera donc par la prime d’activité, du moins à 90%. En effet, sur les 100 € promis, et en l’absence de « coup de pouce », 10 € seront apportés par l’augmentation  « normale » du Smic du 1er janvier (16 € brut). Mais, au fait, c’est quoi cette prime d’activité et comment ça marche ?

La prime d’activité a remplacé, en 2016, le RSA activité, deuxième étage du RSA mis en place pour inciter à la reprise du travail et la prime pour l’emploi qui était versée elle par l’administration fiscale, avec un an de décalage sur les revenus effectivement perçus. Elle est versée aux travailleurs percevant des « revenus modestes », autrement dit des « travailleurs pauvres », qui en font la demande auprès des Caf ou des caisses de MSA. D’un mode de calcul proche de celui du RSA activité, son montant dépend en partie de la composition et des ressources du foyer. C’est cette proximité avec le RSA-activité, dans son mode de calcul et son inspiration, qui a conduit Nicolas Sarkozy à en revendiquer la paternité ; à ceci près que le RSA-activité, qui était demandé par moins d’un tiers des bénéficiaires potentiels n’a pas marché, alors que la prime d’activité a atteint dès la première année plus de 70% des bénéficiaires potentiels (75% aujourd’hui), grâce à un système de télédéclaration facile d’accès : ce qui avait conduit le Premier ministre de l’époque, Manuel Vals, à la qualifier de « révolution sociale, numérique et administrative ». Mais ce qui avait conduit aussi à un dépassement du budget prévu de l’ordre d’1 Md €.

Pour atteindre les 100 €, la base de calcul de la prime d’activité, ce qu’on appelle le bonus, sera donc augmentée de 90€, pour passer de 70 à 160 € : mais cela ne veut pas dire pour autant que tous les bénéficiaires de la prime toucheront cette somme supplémentaire, ni que tous les « smicards » la toucheront non plus. Primo, la prime, c’est comme les antibiotiques, « c’est pas automatique » ; il faut la demander, et donc, même si c’est une procédure relativement simple, déclarer ses ressources du trimestre précédent pour vérifier qu’on a bien droit à ce supplément de revenu. Secundo, la prime est variable en fonction du revenu et de la composition familiale, et si la procédure est simple, son mode de calcul est complexe : c’est la raison pour laquelle la Cnaf a mis en place un simulateur, qui permet de savoir si on y a droit, et quel en est le montant prévisible. Ainsi, pour constituer une réelle incitation à la reprise du travail, elle augmente en fonction du revenu de 0,5 à 0,8 fois le smic (jusqu’au montant du smic au 1er janvier en cohérence avec l’annonce présidentielle), pour rester stable jusqu’à un certain montant variable selon les situations (de 1,3 à 1,5 fois le Smic) puis décroitre ensuite : gros avantage, nombre de personnes qui touchent moins que le Smic, ou surtout qui touchent plus, en bénéficieront, ce qui n’est pas le cas d’une revalorisation du Smic, qui a le gros inconvénient de ne bénéficier qu’aux salariés concernés, et de ramener à ce niveau minimum ceux qui gagnaient un peu plus, et qui, par ailleurs, ne concerne que les salariés, alors que la prime bénéficie aussi aux indépendants et aux fonctionnaires ; mais, bien sûr, ceux qui ont un revenu inférieur au salaire minimum toucheront aussi une prime inférieure. Tertio, elle est calculée sur l’ensemble des revenus du ménage, et non en fonction du salaire de chaque individu. Résultat, le gouvernement estime que seuls la moitié environ des salariés au Smic en bénéficieront : en effet, en fonction du revenu du conjoint, ou des autres ressources de revenu, voir du fait d’avoir touché un treizième mois ou une prime importante en décembre, on peut très bien se retrouver au dessus du seuil, au moins pour le premier trimestre, et ne pas toucher la prime le 5 février, au titre du mois de janvier. C’est la contrepartie d’un dispositif qui se veut équitable et tient compte de l’ensemble des revenus, mais qui est aussi une prestation qui garde un caractère familial, comme d’ailleurs l’impôt sur le revenu : une conception de la protection sociale qui considère que la première solidarité c’est la famille, mais qui est de plus en plus minoritaire en Europe.

Bien sûr il faut saluer cette augmentation de la prime d’activité, qui était d’ailleurs prévue dans le programme du candidat Macron, et qui était une des propositions de l’appel des économistes citoyens lancé par Denis Clerc et relayé par TC. Ce qui n’empêche pas d’en souligner quelques limites. La première, c’est la confusion des messages de l’exécutif, qui ont pu déclencher des espoirs qui seront déçus de la part de tous ceux qui attendaient une revalorisation du Smic. La deuxième c’est que même si la procédure est simple, il faut la demander et déclarer ses revenus. Le gouvernement table sur une nouvelle augmentation du recours, atteignant le taux de 80 %, mais le dispositif n’est pas pour autant automatique, contrairement à ce que souhaitaient certains députés « en marche ». Et le projet de transfert automatiques des ressources, comme cela existe pour les déclarations d’impôts, qui devait se mettre en place avec le prélèvement à la source, n’est toujours pas opérationnel. Résultat une charge pour les bénéficiaires, mais aussi pour les Caf qui vont avoir à faire face en quelques semaines à un afflux massif, estimé à un million, de nouveaux bénéficiaires. La troisième limite, c’est que la mesure, si elle ne pèse pas sur les entreprises, pèse sur le budget de l’Etat, pour un montant estimé par le gouvernement à 2,8 Mds d’€. C’est d’ailleurs ce qui, paradoxalement, avait conduit le gouvernement Philippe à envisager la suppression de la prime il y a quelques mois.

Paris, le 20 décembre 2018

 

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