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Solidarité à la source : un (petit) pas vers l’impôt négatif ?

Exit le régime universel de retraite. C’est la solidarité à la source qui constitue désormais le pilier du programme social du président récemment réélu, rappelé comme tel au soir du premier tour, comme marqueur de sa sensibilité pour les problèmes sociaux. On espère que son sort ne sera pas le même que la mesure phare du précédent quinquennat. En tous cas, il y a un point commun : c’est une mesure intelligente, donc complexe, pas nécessairement facile à expliquer, et qui se prête mal au clivage dualiste, comme peuvent l’être le passage de l’âge de la retraite à 65 ans ou le conditionnement du RSA à une activité.

Complexe dans sa mise en œuvre, même si, comme pour le régime universel de retraite, le principe en est simple ;  c’est, en quelque sorte, en termes mathématiques, le dual du prélèvement à la source, sauf qu’au lieu de prélever l’impôt, on verse des prestations. Une sorte d’impôt négatif, en fait, qui permet, au seul vu de la connaissance des revenus, de verser àqui les allocations logement, à qui le RSA et ou la prime d’activité, à qui l’AAH, etc … Une mesure qui était déjà présente, de façon allusive, dans le précédent programme sous le terme de versement social unique que j’avais largement inspirée, et qui reprend aussi l’idée que j’avais développée ici du « versement automatique » des prestations sociales.

C’est d’abord une façon de lutter contre le non recours aux prestations, notamment au RSA, pour lequel, si l’on en juge d’après la dernière étude de la DREES, il n’a pas diminué et concerne toujours un tiers des bénéficiaires potentiels ; contrairement à la prime d’activité (ex RSA-activité) dont le taux de recours plafonne toutefois autour de 80 % des bénéficiaires potentiels. En effet, les prestations seront versées automatiquement sans que les bénéficiaires aient besoin d’en faire la demande. Cela aura évidemment un coût pour les finances publiques puisque ce non-recours constitue une économie pour les financeurs.

Mais c’est aussi un moyen de lutter contre « la fraude » aux prestations sociales, en tous cas celle, souvent une fraude de survie compte tenu du faible montant du RSA, qui résulte de la non déclaration de certaines ressources, puisque celles-ci, comme pour l’impôt, ne seront plus déclarées par le demandeur, mais par celui qui le verse.

Bien sûr cela suppose remplies un certain nombre de conditions techniques, au premier rang desquelles un identifiant unique qui permette d’imputer sur la bonne personne les ressources déclarées, que celles-ci le soient systématiquement par tous ceux qui versent, et bien sûr que les Caf puissent repérer dans leurs fichiers tous les bénéficiaires potentiels.

En revanche, qui dit solidarité à la source dit versement automatique, donc au seul vu des conditions d’âge et de ressources : plus moyen par exemple, sauf au prix d’une lourdeur bureaucratique qui annihilerai les simplifications introduites, de conditionner le versement du RSA à un minimum d’activité, comme souhaitaient le faire certains départements, …. ou comme l’avait laissé entendre le candidat pendant la campagne.

En fait, cela change assez fondamentalement la nature des prestations sociales qui seront visées, qui échapperont totalement à la logique d’assistance qui continue à marquer les prestations dites « de solidarité » (qui continue d’ailleurs de relever de l’aide sociale et non de la sécurité sociale), pour devenir de véritables droits. Il n’y aurait plus grand chose à faire pour, en harmonisant les critères d’attribution de cet impôt négatif avec ceux des déductions fiscales, mettre en place un revenu de base pour tous. Un pas que le nouveau président n’a pas encore franchi …

Paris, Croulebarbe, le 8 mai 2022.

 

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