Lu, vu, entendu

Dix livres qui ont nourri ma pensée de l’action (8) : L’affrontement chrétien ou « Vivre, c’est s’engager »

A Nicole Massu-Dugard, et Claude Massu, à Michel et Anne Bouvard, compagnon(e)s de fraternité

A Philippe Warnier, et à Christophe Deltombe, compagnons d’engagement  

J’avais oublié l’affrontement chrétien dans ma liste spontanée du 24 juillet 2016 ; je l’ai rajouté peu de temps après en passant, sur l’autoroute des vacances qui me conduisait vers la Corse, à coté de Dieulefit, où Mounier l’a écrit pendant l’hiver 1942-1943.

Sans doute mon engagement pour la laïcité (cf. sur ce blogue la série des « Laïcité, j’écris ton nom ») explique-t-il cet oubli inconscient. Mais aussi le fait que je suis devenu au fil du temps un chrétien agnostique, ou peut-être plutôt un agnostique chrétien, ce que je crois j’ai finalement toujours été, mais dont j’ai réellement pris conscience tardivement. Je ne saurais cacher pour autant que mes engagements prennent leur racine dans cette éthique chrétienne, peut-être devrais-je plutôt dire évangélique si l’adjectif n’avait été capté par une église protestante aux tendances littéralistes et aux relents théocratiques.

C’est l’occasion pour moi d’expliciter mon rapport à la foi, à la religion, et, pour tout dire au christianisme. Sujet qui a souvent été source de malentendus avec nombre de mes interlocuteurs, par exemple avec mes amis franc-maçons, certains persuadés que je l’étais aussi en raison de mes références éthiques, d’autres pensant que je ne pourrai jamais l’être compte tenu de mon côté catho. En fait, c’est l’occasion de le dire ici, au risque de décevoir les uns et les autres, je n’ai jamais été initié, je ne l’ai pas souhaité et on ne me l’a pas proposé, et ce bien qu’ayant avec la franc maçonnerie de nombreuses accointances, sauf quand elle dérive, ce qui arrive à toutes les idéologies même les meilleures, en sectarisme ou en affairisme. Mais aujourd’hui je n’ai pas plus envie d’appartenir à une obédience qu’à une église.

 

Dix livres qui ont nourri ma pensée de l’action (8)

L’affrontement chrétien ou

« Vivre, c’est s’engager »

 

Emmanuel Mounier a écrit l’affrontement chrétien au cours de l’hiver 42-43, à Dieulefit, après son passage dans les geôles de l’Etat français. Il se confronte à la critique nietzschéenne du christianisme mais c’est d’abord un prétexte pour secouer les chrétiens à qui il reproche avec un lyrisme rare de s’être endormis dans un confort protecteur : « ces êtres courbes qui ne s’avancent dans la vie que de biais et les yeux abattus, ces âmes dégingandées, ces peseurs de vertus, ces victimes dominicales, ces froussards dévotieux, ces héros lymphatiques, ces bébés suaves, ces vierges ternes, ces vases d’ennui, ces sacs de syllogismes, ces ombres d’ombres, est-ce là l’avant-garde de Daniel marchant contre la Bête ? ».

Mounier, c’est d’abord l’occasion d’évoquer Péguy, à qui il avait consacré son premier livre, ce mécontemporain, que j’ai d’abord aimé pour sa poésie, notamment Le porche du mystère de la deuxième vertu qui m’a aidé, lui aussi, à surmonter les drames de ma vie : « C’est alors, ô nuit, que tu vins ». J’ai découvert plus tard, et bien après avoir lu Mounier, celui du « Tout commence en mystique et tout finit en politique », qui est aussi celui des « hussards noirs »de la République, célébrés, la plupart du temps sans qu’ils sachent que cette expression est de lui, par nombre de mes amis, républicains et laïques, dont je suis aussi, et dont Péguy était lui aussi, mais qui ont eu tendance à l’assimiler à un nationaliste revanchard et catholique, après sa récupération par Maurice Barres après sa mort au début de la bataille de la Marne, et plus encore par le régime de Vichy. La même mésaventure est arrivée d’ailleurs à Mounier, accusé d’avoir favorisé le développement de l’idéologie fasciste en France, comme à quelques autres, dont Hubert Beuve-Méry, pour avoir participé, au début de la révolution nationale, à l’expérience d’Uriage, qui, pourtant, après avoir été désavouée par Vichy, a fourni un nombre considérable de résistants, qui, pour beaucoup, l’ont payé de leur vie.

Fondamentalement on retrouve dans ce qui inspire l’affrontement chrétien la réponse de Péguy aux disciples de Kant : « Le kantisme a les mains pures, par malheur il n’a pas de main. ». C’est aussi ce que reproche Mounier aux chrétiens installés dans leur confort conformiste, et l’affrontement chrétien est aussi, et d’abord, un appel à l’engagement. L’engagement qui est à la base de toute philosophie de l’action. Comme le dit Olivier Bobineau qui m’a accompagné sur le chantier de la laïcité à la Cnaf, et qui s’est essayé à une sociologie, une anthropologie même de l’engagement« S’engager c’est se contraindre et agir, c’est militer, se lier les mains et s’émanciper par l’action, c’est se heurter aux choses en reconnaissant leur force et servir en se dépassant. »

Quand je relis mon histoire personnelle je trouve dans le christianisme la source principale, en tous cas initiale, de mon engagement, de mes engagements. Avant la découverte d’Emmanuel Mounier et de l’affrontement chrétien, deux livres ont joué pour cela un rôle important dans mes années de jeunesse, comme à l’époque la lecture hebdomadaire de Témoignage Chrétien. Le premier c’est celui de Fredo Krumnov (un des artisans, avec Eugène Descamps, Paul Vignaud, Edmond Maire et le courant Reconstruction de la déconfessionnalisation -ou dirait aujourd’hui laïcisation- de la CFTC devenue en 1964 la CFDT), Croire ou le feu de la vie, livre inachevé qu’il a écrit pendant son cancer. Le second, c’est celui de Philippe Warnier, à l’époque animateur de la Vie nouvelle où je l’ai croisé beaucoup plus tard, La foi d’un chrétien révolutionnaire. Positionné à la gauche du Christ depuis cette époque, j’ai vécu, comme simple militant, et sur à peu près tous les terrains d’engagement de ce court moment de l’histoire politique nationale, à peine plus d’un demi siècle, cette parenthèse de ce qu’on a parfois appelé les « cathos de gauche » (même si beaucoup étaient protestants).

D’abord le tiers-mondisme avec l’engagement dans la campagne contre la faim avec l’action catholique de l’enfance dès mes années de prime adolescence. Engagement qui s’est prolongé sur de nombreux terrains ensuite : lancement du GRDR à l’Agro, participation à la campagne anti-outspan et à la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud ainsi qu’à la création des Amitiés franco-tanzaniennes, à la création de Solagral (Solidarité agricole et alimentaire, disparu en 2004) avec Marcel Marloie notamment, participation à l’administration du Centre international de coopération pour le développement agricole (Cicda, devenu depuis « Agronomes et vétérinaires sans frontières »).Tiers mondisme qui ne m’a pas empéché, au cours de mon stage Ena, de rejoindre la maison d’en face, chez les partisans de l’intervention d’urgence, Médecins du monde, avec la figure emblématique de Bernard Kouchner, quand nous prônions l’action pour le développement. Ce débat entre les tiers-mondistes et les anti-tiers-mondistes, si bien décrit par Yves Lacoste  a un peu fait long feu. Pour autant la question de la malnutrition, du développement inégal, et des déséquilibres mondiaux n’ont pas disparu, comme en atteste la pression migratoire.

La non violence aussi avec un passage, assez bref il faut bien le dire, au Mouvement pour une alternative non violente au moment de sa création en 1974, inspirée par Jean-Marie Muller, apôtre de l’Evangile de la non-violence, mais que j’ai quitté très rapidement pour le PSU. Même si j’ai compris à l’époque que l’on ne pouvait pas toujours sortir d’un conflit en utilisant des moyens non-violents, je reste un adepte de la non-violence, non seulement dans la résolution des conflits, chaque fois que c’est possible en tous cas, mais aussi dans d’autres domaines de la vie collective, notamment en matière éducative. C’est ce qui m’avait conduit à proposer comme nom de ma promotion de l’Ena celui du Mahatma Gandhi, proposition éliminée dès le premier tour, avec à peine un succès d’estime.

Le socialisme autogestionnaire également, justement au PSU (et à l’époque à la CFDT), ce qui a donné naissance à cette deuxième gauche qui pensait pouvoir rénover la première. Paradoxe, j’ai adhéré au PSU peu de temps après le départ de Michel Rocard, et sur la base du Manifeste de Toulouse « Contrôler aujourd’hui pour décider demain » qu’il avait, avec Patrick Viveret, largement inspiré, mais persuadé que j’étais que le courant des Assises n’arriverait pas vraiment à féconder cette vieille SFIO mollétiste que j’avais côtoyée dans mes années adolescentes dans le bassin minier du Pas de Calais, et qui n’était devenue parti socialiste qu’en apparence. Je suis persuadé, avec le recul qu’il avait raison tactiquement, et désolé que l’histoire m’ai donné ainsi qu’à tous ceux qui sont resté raison sur le fonds. Pour autant je n’ai jamais regretté les neuf années où j’ai été adhérent du PSU, et animateur, notamment, de la Commission nationale agricole ; même si je ne crois plus guère qu’advienne un jour l’âge de l’autogestion, mais l’utopie autogestionnaire survit toutefois dans l’aspiration démocratique qui reste, elle, plus vivante que jamais.

Le syndicalisme, à la CFDT, que j’ai rejoint dès mon premier bulletin de salaire, après un court passage en tant qu’étudiant, au Mas (Mouvement d’action syndical, dont la création avait été suscité par la CFDT et le PSU, à partir du Marc, mouvement d’analyse et de recherche critique). J’ai arrêté mon activité syndicale dès lors que j’ai commencé à exercer des responsabilité de « patron », considérant que, déontologiquement, je ne pouvais être d’un côté et de l’autre.

La participation à de nombreuses « communautés chrétiennes ». A l’Agro, notamment, où j’en ai été un des animateurs, avec Alain Guyot, s.j., qui en était l’aumonier à l’époque, à qui je dois la connaissance que j’ai de la compagnie de Jésus, moi qui suis un pur produit de la laïque, et ai donc échappé à leur enseignement. A la mission de France ensuite, où j’ai appris les quelques rudiments que j’ai de théologie, d’exégèse, d’ecclésiologie et rencontré notamment Christophe Roucou, grand artisan trop peu écouté du dialogue de l’église catholique avec l’islam.

Parlant de communauté, j’aurais du commencer par le scoutisme, rencontré tardivement, mais dont nous avions, en quelque sorte, réinventé la pédagogie, avec mes parents, en créant un groupe dit « les cromagnons »  à Noeux les mines, groupe qui a organisé des camps dans la nature pendant une bonne dizaine d’année ; cette pédagogie, qui repose sur la confiance faite aux jeunes, héritée de Baden Powell : « Essayez de laisser ce monde un peu meilleur qu’il ne l’était quand vous y êtes venus et quand l’heure de la mort approchera, vous pourrez mourir heureux en pensant que vous n’avez pas perdu votre temps et que vous avez fait « de votre mieux ». »  A ceci prés que le scoutisme qui est une école d’engagement à laquelle j’ai participé comme animateur, et que les jeunes redécouvrent aujourd’hui, n’a jamais été marqué par son engagement à gauche. A la différence de la Vie nouvelle, issue des amitiés scoutes, mouvement d’inspiration chrétienne, personnaliste et communautaire, et clairement positionné à gauche sous l’influence de Philippe Warnier, et où j’ai retrouvé, approfondi, et pratiqué surtout, la pensée d’Emmanuel Mounier : dans une vie communautaire et fraternelle, dans une participation à la réflexion politique du mouvement dans le prolongement de l’engagement de Jacques Delors et de la revue Citoyens qu’il avait créée dans les années soixante, dans la participation aussi à la réflexion sur le tiers-monde et sur l’Europe.

De ce long pèlerinage, de ces compagnonnages qui trouvent tous leur source dans mes « racines chrétiennes » que me reste-t-il de convictions qui fondent mes engagements et ma philosophie de l’action ; un engagement et une action pour l’essentiel aujourd’hui professionnels.

Personnaliste d’abord. Et c’est là où l’on revient à Mounier, car pour moi le personnalisme reste une référence essentielle de la philosophie de l’action. Nous ne sommes plus très nombreux à nous en réclamer : le structuralisme et le marxisme des années soixante et soixante-dix sont passés par là ; puis le retour idéologique de l’individualisme libéral mais aussi de la pensée réactionnaire puis identitaire. Le personnalisme n’est pas un système philosophique, c’est une intuition. L’intuition qu’on peut mieux articuler individu et société, que la personne exprime cette aspiration, la personne, c’est-à-dire l’individu, autonome, mais pas isolé face aux autres et face à lui-même, mais en relation avec les autres personnes, avec qui il forme communauté, société, et pour tout dire humanité.

Antiraciste ensuite. Je n’aime pas me définir négativement, mais il n’y a pas de mot, en tous cas de mot fort, pour dire le refus des ségrégation, en référence à la fraternité entre tous les humains, en référence à cette humanité qui nous est commune. Humaniste, universaliste, ne sont pas assez fort à mon gout. Or je suis, et je crois avoir toujours été, viscéralement antiraciste, vigoureusement et instinctivement opposé à toutes les formes de racisme, qu’il s’agisse d’antisémitisme, du racisme contre les noirs, contre ceux qu’ont appelle improprement les arabes, en France pour l’essentiel les maghrébins et qui a trouvé de nouvelles couleurs avec l’islamophobie, comme d’ailleurs des formes de racisme à rebours, comme la constitution d’un état racial en Israël, à l’image du régime d’apartheid en Afrique du Sud, ou en Algérie sous la domination française quand les « musulmans » étaient des citoyens de deuxième zone. Je dois dire à ce sujet que je suis partagé sur la suppression du mot race dans la Constitution. Bien sûr, comme agronome, je sais que la notion de race est une construction humaine qui ne s’applique qu’aux animaux domestiques, pour lesquelles on a réussi depuis la révolution néolithique, à constituer des phénotypes génétiquement stables et transmissibles au sein d’une même espèce. Rien de moins scientifique que d’appliquer cette notion de race à l’espèce humaine, sauf pour ceux qui, comme les nazis, voudraient stabiliser différentes « races », et en éliminer certaines. Mais ce n’est que récemment que le mot race a été utilisé dans ce sens. Ce n’est pas le sens que lui donne Levi Strauss dans  Race et histoire, et de grands auteurs avant lui, qui n’étaient pas racistes, au contraire, l’ont utilisé aussi. J’espère donc qu’à supprimer le mot race du vocabulaire constitutionnel, on n’oubliera pas le cancer que constitue pour l’humanité le racisme comme le craint Pap Ndiaye. Comme le dit également  Dominique Schnapper : « Il faut avoir le courage de parler de race pour lutter contre le racisme. ».

Laïque, profondément laïque. La laïcité n’est pas pour moi une valeur, ni même une conviction. C’est un régime qui permet à toutes les convictions, notamment religieuses, de s’exprimer, mais qui interdit à chacune de vouloir imposer sa loi à ceux qui ne la partagent pas : seule la loi républicaine peut s’imposer à tous, telle est la pierre de touche de la laîcité. Et ma conviction, que j’ai largement développée sur ce blogue, c’est que ce régime dont on dit que c’est une spécificté française, reste une idée neuve dans le monde.

Chrétien. Chrétien agnostique, mais chrétien quand même. Chrétien non pas au sens religieux de ce terme, mais au sens philosophique, celui du Christ philosophe de Frédéric Lenoir. Certes, j’aurais surement pu faire la même démarche en faisant référence à d’autres courants religieux, monothéiste, comme l’a fait Abenour Bidar par exemple pour l’islam, ou Delphine Horviller pour le judaïsme, voir dans d’autre courant spirituels, comme le bouddhisme notamment. Mais il se trouve que le hasard et la nécessité, ainsi il faut bien le dire que le désir d’amour de mes parents, m’ont fait naître dans le giron de l’église catholique et ce peu de temps avant le début de La bataille du Vatican ; et les traditionalistes n’ont pas tout à fait tord : à Vatican 2, Luther et Calvin ont largement gagné les combats qu’ils avaient menés cinq siècle auparavant. Donc ni catholique, ni protestant, ni a fortiori orthodoxe, spiritualité que je connais moins, mais chrétien car n’appartenant plus à aucune église. C’est cette référence assumée au christianisme comme fondement éthique qui m’a conduit à accepter la propositions de Christine Pedotti d’écrire dans Témoignage Chrétien, ce journal créé sous l’occupation en réaction à l’attitude collaborationniste de la hiérarchie catholique, et qui s’est notamment illustré dans la dénonciation de la torture pendant la guerre d’Algérie, ainsi qu’en lançant la pétition « les cathos de la laïque » en 1983 à laquelle je m’étais associé, en réaction aux grandes manifestations, là aussi soutenue par la hiérarchie, contre la loi Savary.

Chrétien agnostique, ou plutôt agnostique chrétien, car agnostique d’abord. Non par goût du paradoxe ou de l’oxymore, mais parce que si je puise dans le christianisme l’essentiel de ce qui fonde mon éthique, notamment celle de l’action, je suis trop empreint par le doute pour pouvoir proclamer une foi, une foi en Dieu, ou en une autre forme de divinité, a fortiori, car c’est la pierre de touche de la foi chrétienne, en la résurrection. J’ai longtemps pensé que ma difficulté à croire que Jésus avait vraiment transcendé la condition humaine, comme on passerait une sorte de mur de la lumière,  comme à considérer que l’univers a un sens et que ce sens révèle un Dieu d’amour, faisait partie de « la part d’agnosticisme de la foi ». Mais c’est là jouer sur les mots pour se rassurer. Agnostique, j’en ai pris conscience en lisant Le royaume d’Emmanuel Carrère, qui décrit si bien les début de l’église chrétienne à travers les yeux de Luc, le disciple de Paul (Saul) de Tarse. Agnostique, je crois en fait que l’ai toujours été, en tous cas depuis ma découverte de Montaigne au lycée en seconde. Je crois que ça transparait dans le texte que Nicole Massu-Dugard m’avait demandé pour un numéro de Pâques de « Il est une foi » quand elle essayait, avec quelques autres, de faire revivre à travers ce titre, ce journal qui s’était successivement appelé Temps présent, la Quinzaine, La lettre. Agnostique et non pas athée, car pour moi dieu, le sens de la vie, restent des questions ouvertes, sur lesquels on peut méditer, mais auquel l’esprit humain ne peut réellement apporter de réponse définitive, ni positive, ni négative.

« Eli,eli lama sabacthani », je me suis souvent demandé si, avant que ses disciples n’en fasse le Christ, le fils de Dieu, et donc Dieu lui même, Jésus ne l’était pas lui aussi, au moins au moment de mourir, quand il reprend ce verset terrible du psaume 21, « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Piève, aôut 2016, entre Saint Privat et Aumont-Aubrac, 6-9 août 2018, Choisy le roi/Paris, le 12 août 2018

Prochain livre : Adieu au prolétariat d’André Gorz.

 

Post scriptum :

J’ai rédigé l’essentiel de ce papier, à partir des quelques notes jetées sur le papier (ou plutôt sur l’ordinateur) en Corse il y a deux ans, en marchant sur le chemin de Compostelle, non dans une démarche religieuse, mais avec le besoin de penser, seul, au rythme de la marche. Pour remercier ceux qui sont allés jusqu’au bout de ce long papier je leur offre ce très beau poème adapté de Péguy par Julos Beaucarne, extrait de La présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres où l’on retrouve certains accents de Qohèleth, et dont je recommande la version chantée :

« Quand nous aurons joué nos derniers personnages,
Quand nous aurons posé la cape et le manteau,
Quand nous aurons jeté le masque et le couteau,
Veuillez vous rappeler nos longs pèlerinages.

Quand nous retournerons en cette froide terre,
Ainsi qu’il fut prescrit pour le premier Adam,
Reine de Saint-Chéron, Saint-Arnould et Dourdan,
Veuillez vous rappeler ce chemin solitaire.

Quand on nous aura mis dans une étroite fosse,
Quand on aura sur nous dit l’absoute et la messe,
Veuillez vous rappeler, Reine de la promesse,
Le long cheminement que nous faisons en Beauce.

Quand nous aurons quitté ce sac et cette corde,
Quand nous aurons tremblé nos derniers tremblements,
Quand nous aurons râlé nos derniers râlements,
Veuillez vous rappeler votre miséricorde.

Nous avons gouverné de si vastes royaumes,
Ô Régente des rois et des gouvernements,
Nous avons tant couché dans la paille et les chaumes,
Régente des grands gueux et des soulèvements.

Nous n’avons plus de goût pour les grands majordomes,
Régente des pouvoirs et des renversements,
Nous n’avons plus le goût pour les chambardements,
Régente des frontons, des palais et des dômes.

Nous n’avons plus de goût pour le métier des armes,
Reine des grandes paix et des désarmements,
Nous n’avons plus le goût pour le métier des larmes,
Reine des sept douleurs et des sept sacrements.

Nous avons tant appris dans les maisons d’école,
Nous ne savons plus rien que vos commandements,
Nous avons tant failli par l’acte et la parole,
Nous ne savons plus rien que vos amendements.

Quand nous aurons joué nos derniers personnages,
Quand nous aurons posé la cape et le manteau,
Quand nous aurons jeté le masque et le couteau,
Veuillez vous rappeler nos longs pèlerinages. »

J’aurais pu, pour dédicace, faire une litanie des compagnons et compagnonnes d’engagement, camarades, frères et sœurs, et autres amis rencontrés sur les mêmes routes de l’action. Je me suis limité à mes amis les plus proches rencontrés à la Vie nouvelle, ainsi que deux de ceux que j’y ai croisés, Philippe Warnier, qui nous a quitté il y a presque vingt ans, et Christophe Deltombe, qui en était le président à l’époque et qui vient d’être élu président de la Cimade, après avoir présidé également Emmaüs France.

Ce papier a aussi été l’occasion de compléter ma bio, essentiellement professionnelle, avec les autres engagements qui ont contribué aussi, autant qu’à ma philosophie de l’action, à ma formation.

 

 

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