Bref !

Le DMP, enfin !

Près de 15 ans après que Philippe Douste-Blazy en ai fait, avec le succès que l’on sait, le marqueur de « sa » réforme de 2004, le dossier médical personnel (et partagé), le fameux DMP, voit enfin le jour. En me félicitant de ce lancement que j’espère cette fois-ci réussi, je ne peux m’empêcher un « flash back » sur l’origine de l’idée et les tribulations pendant une quinzaine d’année d’un projet qui me tient particulièrement à cœur : quinze années de perdues pour la santé des français et pour la santé publique, comme pour une meilleur fonctionnement du système de soins.

L’idée du DMP m’est venue fin 2002 ou début 2003, quand j’ai rencontré, à la Cnamts, l’association des « filles DES », Réseau DES France, qui souhaitaient récupérer les feuilles de soin de leurs mères, pour prouver la prise de distilbène. J’ai été au regret de leur répondre que les feuilles de soins n’étaient archivées que pendant trois ans, et que celles de la période concernées avaient été détruites depuis longtemps. La situation était d’ailleurs toujours la même trente ou quarante ans après : certes, nous avions obtenu, en 1998, l’autorisation de la Cnil pour mettre en place le Sniiram (Système nationale d’information inter-régime de l’assurance maladie), mais les données n’étaient conservées là aussi, à l’époque, que trois ans, et sous un format anonymisé ; de ce fait, même encore maintenant, il est impossible à une personne ou à un tiers, de retrouver les feuilles de soins stockées dans le Sniiiram. D’où l’idée d’un coffre fort électronique pour chaque assuré social (dossier médical personnel), partagé avec son (ses) médecin(s) et autres soignants, en tant que de besoin (dossier médical partagé) : dès la fin 2003, j’ai mis en place, avec l’accord de l’Elysée et du ministre de la santé, Jean-François Mattei, une équipe, placée sous la responsabilité de Denis Richard, pour développer le projet.

Malheureusement le ministre changea, et le nouveau s’empara de l’idée, non pour faire de la meilleure médecine et avoir un support pour la réorganisation du système de santé, mais pour en faire un outil de régulation de la dépense, avec sanctions à l’appui. Et d’en mettre l’obligation dans la loi, pour 2007, sous peine sinon, pour le patient, de se voir pénaliser dans ses remboursements, et d’en faire, génie surement des anticipations rationnelles, un des facteurs principaux des économies qui devaient ramener l’assurance maladie à l’équilibre en … 2007 (donc avant même que d’exister). Entre temps la Cnamts a été déchargée du dossier, qui, au grè des atermoiements de son nouveau directeur, a erré entre la Caisse des dépôts et l’Asip, et est devenu un des exemples des ratages des grands projets informatiques, dénoncé régulièrement à ce titre par la Cour des comptes. Et, bien sûr, le DMP n’a pas vu le jour en 2007 : heureusement, le ralentissement des dépenses d’assurance maladie, qui n’est quand même pas revenue à l’équilibre pour autant, a reposé sur d’autres outils, bien plus efficaces pour cela, et que j’avais largement contribué à mettre en place (sauf le web médecin, qui visait clairement à permettre une meilleure régulation des prescription par les médecins eux mêmes, alors que les pharmaciens ont réussi, eux, à mettre en place de dossier pharmaceutique).

Je raconterai peut-être un jour comment de débats abscons sur le « masquage du masquage » (la possibilité pour le patient de masquer à son médecin le fait qu’il a voulu masquer une information sur sa santé), au résistances organisées de tous les acteurs, en passant par les lourdeurs de l’informatique publique, les mauvaises fées se sont acharnées sur ce pauvre DMP. Finalement la loi de modernisation de la santé de 2016 a « redonné » à la Cnamts la responsabilité du DMP à compter du 1er janvier 2017, et celui-ci devrait être maintenant généralisé. Bravo aux équipes qui ont permis ce succès qui démontre que le projet pouvait être développé rapidement, et longue vie au DMP.

Il est juste regrettable pour la santé publique qu’on ait perdu près de 15 ans, et que la France soit aujourd’hui en retard sur un sujet sur lequel elle avait de l’avance à l’époque.

Paris, le 5 novembre 2018.

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