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Fraternité, j’écris ton nom (suite, 3). Les français et la diversité : des croyants de moins en moins pratiquants.

Étonnant et rassurant à la fois, les résultats du baromètre de la fraternité, publié par le laboratoire de la fraternité à l’occasion de la journée mondiale du « Vivre ensemble » : pour plus d’un français sur cinq (81 %), la diversité apparaît comme « une bonne chose », enrichissante pour les individus (75 %) , nous ouvrant sur le monde (72%), et favorisant la créativité (70%). Une diversité d’abord ethnique (47%), mais aussi culturelle (45%), sociale (34 %), nationale 30%) ou religieuse (28%). On s’en demande presque où le Rassemblement national va chercher ses électeurs ! La diversité est le premier terme qui vient qualifier la France (87%), avant la liberté (70%), la générosité (69%), la tolérance (64%) ou l’ouverture d’esprit (63%).

Rassurant, mais étonnant surtout. Pour ne pas dire paradoxal. Car si les français croient de plus en plus que la diversité est une bonne chose (plus 5 points en un an), il sont aussi de moins en moins nombreux à la pratiquer au quotidien : 62% ne fréquentent jamais ou seulement de temps en temps des personnes n’ayant pas la même couleur de peau ou fréquentant un lieu de vie différent, 63% ayant des convictions religieuses, 66% une origine ethnique et 69% une orientation sexuelle différente. Et la part de ceux qui se mélangent aux autres diminue sur tous les items.

Peut-être le résultat de la ségrégation croissante des habitats et des rythmes de vie : la principale cause incriminée, en effet, est le manque d’occasion de rencontres (46%) suivi par le manque de temps (30%). Mais il y a aussi d’autres raisons à ce recul de la mixité : d’abord la méfiance (62%), « on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres », et aussi la préférence pour les proches quand il s’agit d’aider (61%), « charité bien ordonnée … ».

Est-ce que tout cela promeut ou dégrade le sentiment de fraternité ? Bizarrement, des trois termes de la devise de la République, celle-ci arrive quand même en deuxième position sur le podium (à 54%) quand il s’agit de retenir des qualificatifs pour définir notre pays, bien loin derrière la liberté certes, mais loin devant l’égalité (42%). Sans doute faut il y voir cette fameuse passion française pour l’égalité qui explique nos frustrations, alors que nous sommes loin d’être le pays le plus inégalitaire d’Europe, et que celle-ci a trouvé davantage de traduction juridique que la fraternité, qui n’a été reconnue par le Conseil constitutionnel comme un des principes de la République qu’il y a à peine un an. Il faut dire que la fraternité est devancée dans le panthéon des valeurs par la solidarité (60%), notion plus froide avec laquelle elle a souvent été confondue et qui, elle, a trouvé de nombreuses traductions juridiques et opérationnelles, à commencer par la Sécurité sociale.

Un enjeu important en effet que ce principe de fraternité, fondement, pour les promoteurs de l’appel signé le même jour par plus de cent signataires, des réponses aux gigantesques enjeux sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés, car le seul capable de nous amener à gérer ensemble ces biens communs qui conditionnent notre avenir sur cette planète. Car la liberté et l’égalité, dans leur tension permanente, n’y suffiront pas comme la crise des gilets jaunes en a été l’illustration, ni même la solidarité qui permet de mutualiser les risques sociaux, mais pas de gérer ensemble notre patrimoine commun, cette « chose commune » qui porte le beau nom de République.

Paris, le 19 mai 2019

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